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Londres dans la seconde moitié du XIXe siècle

Publié le par MG

Dès 1850, Londres est le prototype de la cité géante et moderne au cœur du plus grand empire colonial. Cette mégapole avec banlieue est d’abord le plus grand port du monde où se déploie une population cosmopolite et où se trouvent les docks. Londres est aussi la ville de toutes les industries - à l’exception de la métallurgie lourde, qui nécessite de grands espaces pour se développer - où se côtoient la richesse la plus opulente et la misère la plus noire. Nombre de migrants d’Angleterre (les paysans chassés des campagnes par les crises) et du monde y affluent avec l'espoir de trouver un travail.

Au travers des écrits et des images, Londres est représentée comme une ville ambivalente : ville des spectacles et des fêtes, elle est aussi celle de tous les vices, la Babylone du Nord, la ville des jeux, de la drogue, de la prostitution, de la délinquance, du crime, la cité noire dominée par un brouillard constant et des odeurs liées aux multiples activités industrielles. Cette image ambivalente, caractéristique des contemporains, se retrouve au cœur des discours : Londres est la ville qui attire ; Londres est la ville qui fait peur.

 

Londres est bien la ville de toutes les fêtes, le symbole de la modernité. Durant le règne de Victoria, les fêtes données sont grandioses : les deux expositions universelles (1851 et 1862) et les deux jubilés de la reine (1887 et 1897) sont l’occasion pour les Britanniques de s'unir autour de leur monarque. En 1851 se tient une exposition universelle pour laquelle des constructions spécifiques sont entreprises en vue d’embellir la ville. Le Crystal Palace devient le symbole de l’entrée dans un nouvel âge et montre le sentiment de supériorité des Britanniques. La famille royale inaugure l’évènement. Six millions de visiteurs seront impressionnés par l’avance technique et le savoir-faire anglais. En 1862, la seconde exposition universelle se veut le reflet de la puissance britannique, celle qui domine le monde. Des tarifs dégressifs pour les chemins de fer et pour l’entrée vont faciliter l’accès au plus grand nombre. Mais, l’exposition est entachée par la mort d’Albert en 1861. Endeuillée, la reine Victoria n’inaugure pas l’exposition et le palais de l’exposition sera démonté pour faire place à un mémorial à Albert.

 

Londres est aussi le lieu de la vie mondaine rythmée par la Saison. La vie mondaine londonienne connaît son point d’orgue entre avril et juillet. L’aristocratie et la gentry quittent alors leur domaine pour rejoindre leur résidence londonienne. La Saison est marquée par des mondanités publiques et privées. Parmi les rituels, on note les sorties au théâtre, au concert, à l’opéra, là où la bonne société se retrouve. On se promène également dans Hyde Park. On participe aux grands évènements sportifs tels que les courses hippiques comme le Derby d’Epsom. On donne et se rend aux dîners où prédomine la préséance entre les grandes familles, aux garden party, qui se déroulent entre 16 et 19 heures, aux bals, qui sont des occasions de nouer des liens matrimoniaux sous le contrôle des mères de famille. La reine officialise l’appartenance à cette bonne société en recevant quelques jeunes filles à la Cour.

 

Londres est également la vitrine commerciale du pays. Le magasin Harrod’s en est le symbole puisqu’il représente le triomphe de la révolution commerciale, du grand magasin et la réussite de Charles Harrod. Dans les années 1840, Harrod est épicier dans la boutique de son père, située à Knightbridge, un beau quartier dans l’ouest de Londres. En quarante ans, Harrod va développer son épicerie pour en faire un immense magasin. En 1860, il emploie déjà cinq vendeurs. En diversifiant ses produits, il attire une clientèle nombreuse. De plus, Harrod a des intuition payantes puisqu’il se lance dans la promotion publicitaire de son magasin et éclaire son commerce au gaz afin d’augmenter ses horaires d’ouverture. Il s’agrandit d’abord en hauteur par des étages supplémentaires, puis rachète les boutiques adjacentes. Harrod publie même, en 1880, un catalogue, le Harrod store et emploie à cette date plus de cent personnes. Il étiquette ses produits afin de permettre à sa clientèle de déambuler plus librement sans avoir à demander sans cesse aux vendeurs le prix des articles. Chaque rayon est conçu comme un magasin spécialisé (65 rayons en tout). Harrod vise une clientèle aisée avec des produits haut de gamme. Il a même l’idée de faire de son magasin un lieu de loisirs en ouvrant un salon de coiffure et un salon de thé. Harrod est aussi le premier à pratiquer les soldes pour éviter les gros stocks. A la fin du siècle, il ajoute une agence de location de voiture et une agence de crédit. Il continue d’y implanter les dernières technologies : en 1897, il place un escalier électrique, installe l’éclairage à l’électricité, des caisses enregistreuses et redécore périodiquement les rayons.

 

Mais Londres est aussi la ville de tous les dangers. Effectivement, c’est le Londres des pauvres, des bas-fonds avec l’entassement urbain et le manque d’hygiène, le bruit incessant et les odeurs des activités usinières, le brouillard jaunâtre et pollué. En réalité, Londres figure, d’après les historiens, parmi les capitales les plus sûres, en tous cas, plus sûre que Paris. Le taux des homicides n’est que de 0,9 pour 100000 habitants alors que Paris a un taux s’élevant à 1,7. Toutefois, Londres reste le foyer criminel du pays puisque, sur l’ensemble des crimes commis en Angleterre, 25 % se produisent dans la capitale. Mais les crimes de sang ne représentent qu’une faible part des délits commis. En 1881, 154 crimes de sang ont été perpétrés dans toute l’Angleterre sur 18000 infractions constatées (vols, mendicité, bagarres…). La presse fait toujours, à tort, le lien entre le développement des homicides et le développement des quartiers populaires. En réalité, les meurtres sont essentiellement domestiques (un mari qui tue sa femme, un patron qui assassine son domestique…) ou découlent d’une bagarre de rue qui a mal tourné. De plus, ces crimes ne remettent pas en cause la hiérarchie sociale.

 

Un fait divers va cependant agiter Londres à la fin des années 1880, celui de Jack l’éventreur. Entre août et novembre 1888, à Whitechapel, dans les quartiers malfamés de Londres, un homme mutile et assassine six prostituées. Une véritable psychose est alors entretenue par la presse. Ce fait divers est révélateur des peurs sociales, de la peur du crime associé à la misère, de la peur des quartiers populaires, de la peur de la perversion sexuelle. De plus, la police ne pervient pas à retrouver l’assassin. Il faut dire, qu’en ce temps là, la police n’est pas habituée à mener une véritable enquête judiciaire. D’ordinaire, il y a toujours un témoin à la scène du crime ou alors le meurtrier se dénonce. Mais face à ces meurtres en série, la police piétine et demeure impuissante. De ce fait divers, paraissent les romans policiers à succès tels que ceux de Conan Doyle dans lesquels un maître détective, Sherlock Holmes, enquête avec sa raison et les moyens techniques de l’époque sur des meurtres. Ce personnage de Sherlock Holmes rassurera le Londonien de l'ère victorienne.

 

Londres va être progressivement documentée et analysée par des médecins hygiénistes, des architectes, des ingénieurs et des romanciers qui se sont intéressés à la ville en tant que paysage urbain mais aussi à la spécificité des mœurs urbaines. Un bon nombre d’écrits et d’images ont tenté de capter la vie au cœur de cette capitale : les romans de Dickens, les journaux et les lithographies d'époque sont de parfaits exemples.

 

 MG d'après un travail dirigé par Anne Inglebert, professeure agrégée d'histoire, 2007.

Gustave Doré, Ludgate Hill, planche pour London, a pilgrimage, 1872, BnF/Gallica.

Gustave Doré, Ludgate Hill, planche pour London, a pilgrimage, 1872, BnF/Gallica.

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