Marie-Thérèse Glowacki, A ma mère

Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front.

Victor Hugo, Les Châtiments, poème IX, 1853.
 

Le projet de Marie-Thérèse Glowacki d'offrir, comme cadeau de Noël 2016 à ses enfants et petits-enfants, le récit de sa famille s'est rapidement transformé en un best-seller à Aniche et ses alentours. Edité chez Abysses Editions, A ma mère est si demandé qu'il a fallu, quelques jours après sa sortie seulement, tirer de nouveaux exemplaires. Comment expliquer alors le succès local d'une histoire qui ne traite que de faits familiaux et ne révèle que les secrets personnels d'une parfaite inconnue ?

Il est vrai que cette discrète Auberchicourtoise n'expose, à l'âge de 82 ans, que des souvenirs liés à ses parents, ses sœurs et son mari dans différentes villes du Nord-Pas-de-Calais. De la naissance de sa mère Lucienne, le 17 mars 1904 à Fléchin, aux retrouvailles, le 14 juin 2006 à Auberchicourt, du petit Fernand, enfant confié aux parents de Marie-Thérèse le temps d'améliorer sa situation, l'écrivaine retrace par chapitre les grandes étapes d'une vie familiale marquée par la folie des hommes, les accidents de travail et la mort que laissent derrière elles les guerres du XXe siècle.

Dans son récit, l'auteure garde cependant une certaine distance avec les drames qui ponctuent l'Histoire : la Première Guerre mondiale et la crise des années 1930 ne sont pas abordées ; les bombardements d'Aniche et de Somain en 1944 ainsi que les grandes grèves ne servent que de toiles de fond, etc. Seul se dessine le parcours d'une famille ordinaire au travers de moments existentiels forts. Et, avec un vocabulaire simple, Marie-Thérèse traduit le plus justement possible les instants de bonheur mais surtout les douleurs qui assaillent la vie quotidienne de sa famille. L'on se demande d'ailleurs comment la mère et la fille ont su, en dépit d'inqualifiables tourments, se construire normalement ?

Les choses de la vie de Marie-Thérèse Glowacki, la singularité et les faits personnels racontés dans ce petit livre illustré de photographies de famille paraîtront universels aux lecteurs car ils participent à la compréhension de nos propres affects. L'abandon, le rejet et la mort sont les éléments marquants de cette famille du Nord dont l'existence nourrit notre mythologie. L'on demeurera également surpris dans ce livre par la force et la volonté des femmes de ne jamais renoncer en dépit des obstacles dressés. Alors que les doutes auraient été compréhensibles, Lucienne et Marie-Thèrèse n'ont cessé de protéger les leurs.

Ainsi, les accidents biographiques ont transformé les événements d'une vie de famille locale en une aventure poignante dont la portée générale reflète les situations les plus anodines comme les plus tragiques de la condition humaine du XXe et de ce début du XXIe siècle. En interrogeant la mémoire, en nommant l'indicible, Marie-Thérèse Glowacki nous livre ici le secret de cette lumière venue de l'obscurité. C'est pourquoi, ce petit ouvrage dédié à l'amour maternel et préalablement destiné aux générations d'une seule famille, retient maintenant l'attention du plus grand nombre.

MG - 5 avril 2017.

Le site d'Abysses Editions.