L'église abbatiale d'Hastière-par-Delà

Située dans la commune d’Hastière-par-Delà, sur la rive droite de la Meuse dans la province de Namur, l’église abbatiale faisait partie à l’origine d’un vaste ensemble bénédictin disparu en 1793. Restaurée au XIXe siècle, elle est aujourd’hui l’un des plus beaux édifices religieux de style mosan de Belgique.

On a voulu attribuer la construction d’une première église à l’époque de l’évangélisation de la région par Saint-Materne, disciple de Saint-Pierre, au milieu du VIIIe siècle. Mais sur le plan architectural, les premières données relatives à l’histoire de l’abbaye ne remontent qu’à la première moitié du Xe siècle. La Charte de 915 précise que le roi de Francie occidentale Charles III le Simple (879-929) donne à Etienne - évêque de Liège de 901 à 920 - cette abbaye. Adalbéron - évêque de Metz de 929 à 954 - fait rattacher l’abbaye à son évêché et entreprend la construction de l’église du monastère pour y accueillir en 939 des moniales appliquant la règle bénédictine. Sous l’abbatiat de Rodolphe, l’église est reconstruite en 1033-1035. Il s’agit pour l’essentiel de l’édifice que nous voyons aujourd’hui.

Entre 1260 et 1264, la destruction de l’abside romane conduit l’abbé Alard de Hierges à bâtir le chevet dans le style gothique, celui de son temps. C’est sous une remarquable voûte sur croisée d’ogives qu’il sera inhumé. L’histoire moderne de l’abbaye sera désastreuse : saccagée et brûlée en 1568 par les Huguenots, elle sera complètement détruite en 1793 par le maire révolutionnaire de Givet. A l’exception d’une partie de la toiture, l’église abbatiale est épargnée. Aujourd’hui encore, cette dernière symbolise la foi, l’histoire et les vicissitudes des hommes. Témoin de l’histoire des arts roman et gothique, des stalles agrémentées de miséricordes au thème satyrique datant de 1443, des peintures murales, des pierres tombales, une statuaire exceptionnelle (une Vierge romane, des sculptures de Lambert Lombart, un Calvaire du XVIe siècle, un triptyque d’Auguste Donnay et un chemin de croix vietnamien contemporain) ponctuent l’intérieur de cet édifice mosan.

L’église abbatiale d’Hastière est bâtie en moellons mal équarris. A l’ouest, une tour sur plan carré est accostée au nord par une tourelle circulaire. Cet avant-corps comporte un rez-de-chaussée en contre-bas orné d’un jeu d’arcatures aveugles retombant sur des pilastres en opus incertum terminés par une imposte et reposant sur une large plinthe. Voûté d’arêtes, il est largement ouvert sur la nef par une grande baie. Une fenêtre au-dessus de la porte et des arcatures donnent un faible éclairage. Cette première cellule architecturale est surmontée d’une tribune composée de trois arcades géminées inscrites dans un arc en plein cintre.

La nef centrale de cinq travées avec son élévation à deux niveaux est munie dès l’origine d’un plafond. Sa nudité est tempérée par des tailloirs qui couronnent les pilastres et reçoivent la retombée des grandes arcades. A l’extérieur, le décor architectural d’arcatures aveugles encadrant les fenêtres est proche de celui de Celles-les-Dinant. Les murs de la nef et ceux des bas-côtés sont renforcés et décorés par des contreforts-pilastres de faible saillie, sans base dont les impostes à filet chanfreiné sont reliés par des arcs en plein cintre affleurant les solins. Les fenêtres encadrées par des arcatures sont dépourvues de décoration à l’extérieur comme à l’intérieur. Cependant, un jeu polychromique s’opère à l’intérieur de la bâtisse entre la tonalité des demi-pilastres et l’enduit clair des murs de fond.

Le transept de type transept bas à croisillons greffés sur les murs latéraux de la nef apparaît comme faussement déplacé vers le milieu de l’édifice. A l’origine, ce transept aboutissait à une grande abside semi-circulaire flanquée de deux absidioles. Le choeur, lui, se distingue de la nef par l’absence d’arcatures sur le vaisseau principal et les bas-côtés, par les dimensions de ses fenêtres (déjà mentionnées) et par l’existence d’une corniche dont les modillons sont moulurés d’un cavet entre un filet et un tore. Le chevet est épaulé par six contreforts et est orienté vers le Nord-Est. Voûté d’ogives, il comprend une travée droite et une abside à cinq pans séparés par un doubleau en plein cintre.

Les fouilles de 1885 ont permis la découverte d’une crypte sous l’autel similaire à celles de Thynes et de Celles. On les date de l’an 1000. A demi-enterrée, elle comprend une salle barlongue terminée par un hémicycle de même largeur. Au fond s’ouvre une niche carrée. Les voûtes retombaient comme celles de Thynes et de Celles sur quatre colonnes et huit pilastres divisant la crypte en trois vaisseaux de deux travées. On y descendait par deux rampes qui débouchaient sur les faces nord et sud près des extrémités du mur occidental. Aujourd’hui, l’espace abrite des sarcophages mérovingiens, des graffitis du XIIe siècle, des reliquaires et autres vestiges de l’ancienne abbaye.

MG - Texte du 7 décembre 1993 ; photos : 13 août 2019.