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Jan Fabre : un artiste protéiforme

Publié le par MG

Si Jan Fabre continue de vivre et travailler à Anvers, ville qui l'a vu naître en 1958, son art polymorphe et polémique est régulièrement présenté dans les institutions les plus prestigieuses d'Europe. Dessinateur, plasticien, performeur, metteur en scène de théâtre, chorégraphe, auteur, éditeur, cet Homo universalis Antwerpiensis1 consacre jours et nuits à son oeuvre et se distingue, par sa liberté d'agir et son imagination débordante, de ses contemporains.

 

Art et science comme références

FABRE 3

Emu à 18 ans par les peintures christiques des Primitifs flamands conservées au Groeningemuseum de Bruges, Jan Fabre s'inscrit à l’École des Arts décoratifs et à l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers et expérimente assez rapidement le body art et la performance. Sa conception de l'art se nourrit dès lors d'un dialogue entre l'oeuvre et lui-même et visera à montrer le processus qui sous-tend toute création artistique.

Cette expérience visuelle se prolonge, dès 1978, par la recherche scientifique sur le terrain de ses parents. Sous une tente-laboratoire qu'il baptise Le Nez, Fabre se livre à la conservation et l'observation rigoureuse d'insectes à l'instar du célèbre entomologiste homonyme Jean-Henri Fabre dont il prétend descendre. Au travers de ses croquis, écrits, investigations, le jeune laborantin se consacre pleinement au thème de la métamorphose.

 

Une oeuvre emblématique

FABRE 1

Désormais, le changement, la transfiguration, la transgression deviennent les fils conducteurs de son travail. Jan Fabre soumet la plasticité du corps animal et humain à rude épreuve. Dans son théâtre, ses performances, ses opéras, ses oeuvres plastiques la frontière entre la vie et la mort tend à s'effacer pour sublimer les sens, les pulsions, les humeurs, les sécrétions. Tels des insectes fonçant vers une source de lumière, ses danseurs comme ses comédiens semblent, sous les projecteurs, se consumer de leurs propres énergies.

L'univers fabrien se compose de quelques figures emblématiques tels que le crâne ou le cerveau, le hibou, la tortue et surtout le scarabée. La carapace de ce dernier, par exemple, invulnérable exosquelette symbolise la force de l'âme, l'armure qui protège l'intériorité de l'extériorité. Il n'est donc pas surprenant de retrouver ce motif dans ses dessins et ses sculptures et de voir des millions d'élytres recouvrir des panneaux comme une mosaïque aux couleurs changeantes ou encore, depuis 2002, l'intégralité du plafond de la salle des Glaces du palais royal de Bruxelles.

 

Une démarche obsessionnelle et provocatrice

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Inclassable parmi ses contemporains de par l'originalité de ses thèmes et la pluridisciplinarité de son art, Jan Fabre adopte une démarche plutôt conceptuelle qui le conduit à s'entourer de nombreux jeunes artistes qui l'assistent dans son travail. Ses projets paraissant irréalisables se concrétisent, certes grâce à cette armée d'assistants, mais aussi en raison d'une approche patiente, répétitive voire obsessionnelle du travail. Le coloriage au Bic bleu du château de Tivoli en 1990, par exemple, ne relève-t-il pas de cet enthousiasme irrépressible ?

Pièces de théâtre évoquant le sang et l'urine au Festival d'Avignon en 2005, scène montrant un concours de masturbation dans L'orgie de la tolérance au Théâtre de la Ville de Paris en 2009, "lancer de chats" sur les marches de l'escalier de l'hôtel de ville d'Anvers en 2012, les créations de Jan Fabre ne peuvent laisser le public et la critique insensibles. Mais qu'importe la provocation suscitée puisque pour l'artiste, les phénomènes moraux n'existent qu'au travers de nos frustrations.

 

Bien que controversé, Jan Fabre continue de fasciner. Depuis 2007, son « Troubleyn/laboratorium » aménagé dans le quartier Borgerhout à Anvers, abrite ses diverses activités, sa compagnie de danse et accueille artistes et chercheurs pour répondre aux nombreuses commandes dont son oeuvre fait l'objet. Du Festival d'Avignon à la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence en passant par le musée du Louvre, l'Old Masters Museum des Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles et moult galeries européennes, Jan Fabre présentera cet hiver une partie de travail au Palais des Beaux-Arts de Lille.

 

1. "Jan Fabre" in www.hiscox.be.

 

Photographies de haut en bas :

- Portrait de Jan Fabre in www.toile-gothique.com

- Le plafond de Jan Fabre dans la salle des Glaces du Palais Royal de Bruxelles. Photo de Dirk Pauwels.

- Photo extraite de L'Orgie de la tolérance (2009) de Jan Fabre.

 

Texte : MG – 11 octobre 2013. In Cahier pédagogique de l'exposition "Illuminations, trésors enluminés de France. Jan Fabre - Chalcosoma", du 08 novembre 2013 au 10 février 2014, Palais des Beaux-Arts, Lille.

 

 

Lire aussi :

- Jan Fabre, Le Scarabée sacré.

 

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