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Autour de Michel Meurdesoif, député, descendants et citoyens rendent hommage à Jules Domisse, maire communiste d'Aniche fusillé par les Nazis

Publié le par MG

Aniche, 79e hommage à la mémoire de Jules Domisse

Aniche, 79e hommage à la mémoire de Jules Domisse

1941-2020 : voilà 79 ans que Jules Domisse (1899-1941) est tombé, à 42 ans, pour ses convictions politiques.

Ayant à plusieurs reprises écrit, dans ce blog, sur le parcours exemplaire de cet homme extraordinaire, nous apprécierons de lire les propos et témoignages prononcés lors de cet hommage rendu ce 26 septembre 2020 devant le buste situé rue Wambrouck à Aniche.

Si le maire et autre élu de la majorité n’ont daigné saluer la mémoire de ce héros anichois, le maire honoraire Michel Meurdesoif, le petit-fils de Jules Domisse Patrick Poulain et le député de la 16e circonscription du Nord Alain Bruneel ont tenu à rappeler le combat d’un homme injustement assassiné par les Allemands. A l’issue des discours et avant que ne retentissent Le Chant des partisans et La Marseillaise, Jocelyne Lutas et Patrick Poulain, petits-enfants de Domisse, ont déposé une gerbe au pied du buste sculpté.

Discours de Michel Meurdesoif lors du 79e hommage à la mémoire de Jules Domisse.
Discours de Michel Meurdesoif lors du 79e hommage à la mémoire de Jules Domisse.
Discours de Michel Meurdesoif lors du 79e hommage à la mémoire de Jules Domisse.
Discours de Michel Meurdesoif lors du 79e hommage à la mémoire de Jules Domisse.
Discours de Michel Meurdesoif lors du 79e hommage à la mémoire de Jules Domisse.
Discours de Michel Meurdesoif lors du 79e hommage à la mémoire de Jules Domisse.
Discours de Michel Meurdesoif lors du 79e hommage à la mémoire de Jules Domisse.
Discours de Michel Meurdesoif lors du 79e hommage à la mémoire de Jules Domisse.
Discours de Michel Meurdesoif lors du 79e hommage à la mémoire de Jules Domisse.
Discours de Michel Meurdesoif lors du 79e hommage à la mémoire de Jules Domisse.
Discours de Michel Meurdesoif lors du 79e hommage à la mémoire de Jules Domisse.

Discours de Michel Meurdesoif lors du 79e hommage à la mémoire de Jules Domisse.

Victime, martyr, héros ?

Quel qualificatif adjoindre au nom de Jules Domisse ?

Il a mené sa vie de militant, défenseur des plus faibles, élu avec confiance par ses camarades de travail, investi comme maire par les Anichois, avec détermination et conviction.

Il a refusé de renier son Parti, ce qui lui a valu d’être destitué par Daladier.

Le Parti Communiste mis hors-la-loi par le gouvernement, Jules Domisse se fixe comme objectif de le recréer clandestinement. A Dechy, il participe à cette reconstruction avec Martha Desrumaux, Eusebio Ferrari, Germinal Martel, Louis Chantreau, Henri Fiévet, etc.

« Militants communistes particulièrement actifs », c’est ainsi que sont désignés les vingt otages fusillés ce vendredi matin de septembre 1941 à la citadelle de Lille. C’est l’hommage du vice à la vertu. Ce que les occupants présentaient comme une tache vaut tous les diplômes d’honneur.

Mari et père aimant, dans sa dernière lettre, il ne pleure pas sur ce qui l’attend. Les deux mots qui reviennent le plus sont honneur et courage. Il en est l’incarnation.

Si sa famille et ses camarades le célèbrent depuis près de 80 ans, c’est parce qu’à leurs yeux, Jules, dans sa modestie, dans sa simplicité, représente ce que l’humanité a de plus noble.

Cette noblesse est amplifiée devant la barbarie de ceux qui l’ont fait taire.

Oui, barbares ceux qui combattent les idées par la terreur. Multiplier les prises d’otages pour effrayer la population, qu’importe le nombre.

Barbares aussi ceux qui se sont mis de côté des fusilleurs en leur désignant les militants syndicalistes et politiques des entreprises et des localités.

A travers l’hommage que nous rendons à Jules Domisse, ce sont tous ses frères de combat que nous honorons.

Son parti, le Parti Communiste Français, fête son centenaire, cent ans au service des gens, à défendre la paix et l’amitié entre les peuples ; cent ans à mettre ses forces au service des plus faibles, cent ans à lutter pour soulager toutes les souffrances.

Jules serait fier de constater que son combat continue, que ses filles ont suivi le chemin qu’il avait ouvert, que ses camarades poursuivent sa route.

« Les hommes font l’histoire, mais ils ne savent pas qu’ils la font. »

C’est parce que nous, nous le savons que nous la transmettons de génération en génération par nos actions, nos paroles, notre comportement. C’est aussi pourquoi le souvenir de Jules Domisse et de ses camarades ne s’effacera jamais.

Courage et honneur.

Michel Meurdesoif, maire honoraire d'Aniche et conseiller municipal d'opposition.

Discours de Patrick Poulain, petit-fils de Jules Domisse.Discours de Patrick Poulain, petit-fils de Jules Domisse.

Discours de Patrick Poulain, petit-fils de Jules Domisse.

Chers camarades, chers amis.

26 septembre 1941 – 26 septembre 2020.

79 ans se sont écoulés.

Mourir après la souffrance, après la torture, à l’âge de 42 ans. C’est injuste, la guerre est malsaine, la guerre, c’est pas propre !

Comme j’ai déjà dit, mon grand-père évidemment, je ne l’ai pas connu, mais avec ma grand-mère qui vivait avec nous, et avec ma mère, j’ai beaucoup appris, appris des valeurs, appris le respect et aussi surtout le courage.

Du courage, ils en ont eu. Comment peut-on résister quand on assassine le chef de famille, laissant une veuve, deux filles âgées respectivement de 15 et 13 ans ?

Quand un soir d’août 41, une traction noire s’est arrêtée devant leur domicile rue Carnot, ma grand-mère connaissait la suite. Ma mère et ma tante se sont mises à pleurer. Un Allemand en imperméable leur a dit : « Pas pleurer ; papa revenir. » Elles n’ont plus jamais vu leur père !

Avec ses camarades, il avait saboté un train en gare de Somain, à cette époque déjà des gens bien intentionnés avaient vendu la mèche à l’occupant. S’il avait donné des noms, il aurait eu la vie sauve. Permettez-moi d’en douter, mais Jules Domisse, c’était plutôt mourir que trahir !

Pendant d longues soirées d’hiver, ma grand-mère me racontait le personnage : adhérent à la CGT, puis administrateur à la Sécurité sociale minière, puis maire. Mais aussi mineur de profession.

Connu de tous, il échangeait avec tout le monde, sans cesse, son rôle majeur c’était découter, s’aider, de trouver des solutions ; bref, un humain !

Des hommes et des femmes d’Aniche, jeunes à cette époque, qui l’ont connu me témoignent encore souvent ces mots : « on l’aimait bien M. Domisse », « l’homme était ton grand-père ? »

Ma grand-mère avait l’habitude de se rendre à la messe chaque dimanche, seule ; lui n’était pas un adepte de ce genre d’exercice. Un dimanche, elle décida de ne pas y aller. Lui, inquiet lui posa la question : « pourquoi n’y vas-tu pas ? » Elle lui répondit que plus aucune femme ne lui parlait car elle était mariée à un communiste. Ni une, ni deux, il l’a accompagné à la messe et sont entrés à deux dans l’église. Tout le monde a baissé la tête, y compris le curé ! A souligner qu’après l’assassinat de son mari, ma grand-mère n’a plus jamais mis les pieds dans une église.

Un soir en quittant la mairie, il a croisé un chômeur au bord de la rupture, la faim en était la cause. Le maire l’a dépanné et lui a dit : « avec mi, t’auros toudis à minger ; je vindros putôt la mairie. »

Après sa mort, le propriétaire peu scrupuleux qui louait la maison rue Carnot, tenta l’expulsion suite à un loyer impayé. Grâce à une solidarité exemplaire, les communistes aidèrent la veuve de Jules Domisse, avec des camarades tels qu’Arthur Ramette, Edouard Triquet, Alexandre Gobert et beaucoup d’autres.

Entre temps, ma mère Virginie avait chuté lourdement dans la cour d’école. Les médecins de l’époque déclarèrent une tumeur maligne. Elle en a souffert toute sa vie. Deux ans avant son décès, on l’a amputée de sa jambe malade.

Lorsqu’il était maire, il avait décidé avec ses camarades de déposer une gerbe en l’honneur des disparus, des fusillés. Les Allemands, dans toute la France, avaient déjà frappé les communistes et les syndicalistes. Le lendemain, le sous-préfet organisa une visite à Aniche et ordonna au maire d’enlever immédiatement cette gerbe garnie de fleurs rouges. Personne n’obtempéra. Jules Domisse rétorqua au sous-préfet : « enlevez-la vous-même ! » Il s’exécuta, enjambant le parterre bordé par une sorte de grillage et faillit tombé sous les huées du conseil municipal. Le sous-préfet collabo repartit comme il était venu après s’être retrouvé isolé dans le parterre avec la gerbe à la main.

Ma grand-mère me disait souvent qu’aucun ne mesurait le danger. Le jour de la Saint-Laurent, fête des verriers, il décida de grimper dans le ballon. A cette époque, le ballon s’envolait de la place Jaurès. Un coup de vent provoqua un changement de direction et la nacelle s’accrocha au clocher de l’église. Après d’ultimes efforts, il retrouva la terre ferme. Descendant de la nacelle, un large sourire éclairait son visage. « T’as eu peur, Jules ? » « Non, je savais très bien qu’on s’en sortirait. »

Anecdotique aussi, je n’ai pas connu mon grand-père mais j’ai connu son père, mon arrière-grand-père. Lui aussi syndicaliste, il est descendu au fond à l’âge de 14 ans. Il habitait Fenain. L’hiver, il ne voyait jamais le jour. A pied, en sabot, il se rendait à Dessesvalle à 4 heures pour prendre la première cage. Il remontait à 16h30 : la nuit tombait. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il a vendu son diplôme de certificat d’études au fils d’un riche médecin de Fenain. J’étais très jeune mais je me souviens très bien de lui. Il avait toujours ses poches remplies de bonbons noirs, vous savez ces fameux bonbons du mineur.

J’ai grandi au 18 rue Dubray. Là, je me suis aperçu que la solidarité et la fraternité n’étaient pas de vains mots. Périodiquement pour saluer ma grand-mère, on avait la visite de Marcel Triquet, Alexandre Gobert, Louis Delcourt, Albert Guignard, Yvon Fossé mais aussi Henri Martel et Alice et Arthur Ramette. J’écoutais avec attention leurs échanges et leurs réflexions.

Quand avec des amis, des gens, on discute de politique, on me dit souvent : « toi, t’es tombé dans la marmite quand t’es né ! » Pas toujours d’accord : je ne suis pas né communiste, je le suis devenu !

26 septembre 1941 – 26 septembre 2020.

79 ans se sont écoulés.

Jules Domisse et 19 de ses camarades vont monter dins l’carette à quiens. Ce sera leur dernier voyage. Honneur à eux. Ils l’ont dit et ils l’ont fait : « plutôt mourir que trahir ! »

Patrick Poulain, petit-fils de Jules Domisse.

Discours d'Alain Bruneel, député de la 16e circonscription du Nord.
Discours d'Alain Bruneel, député de la 16e circonscription du Nord.
Discours d'Alain Bruneel, député de la 16e circonscription du Nord.
Discours d'Alain Bruneel, député de la 16e circonscription du Nord.
Discours d'Alain Bruneel, député de la 16e circonscription du Nord.

Discours d'Alain Bruneel, député de la 16e circonscription du Nord.

Mesdames, Messieurs ; chers amis, chers camarades.

« Femmes et enfants, je serai fusillé demain matin. Ne pleurez pas, je meurs pour un monde meilleur. »

C’est par ces mots que Jules Domisse termina sa lettre d’adieu. Ce message est une force toute puissante : être condamné à la mort et ne pas arrêter la vie.

A vous de continuer le combat.

A vous de résister.

A vous de croire en la capacité des gens de prendre leur vie en main.

A vous de ne pas enterrer vos valeurs.

A vous de transmettre votre détermination.

Quelle dignité. Quelle humanité. Il faut être un véritable amoureux de la vie pour accepter de mourir pour un monde meilleur. Notre camarade Jules savait mieux que quiconque la valeur de la vie, et c’est pour cette raison qu’il s’engagea dans la résistance.

Jules Domisse était de ceux qui vivaient pour les autres, pour construire un monde libre solidaire et fraternel.

Il était communiste, syndicaliste, fils de mineur. Et, malgré les tortures, il refusa jusqu’à la mort de donner ses camarades.

Liberté, égalité, fraternité : ces trois mots ne sont pas qu’une devise sur le fronton des mairies. Ils résument parfaitement les combats qui ont animé la vie de Jules Domisse.

La République, il y a ceux qui en parlent dans les grands discours et il y a ceux qui la font vivre au quotidien, parfois au péril de leur vie.

Faire vivre la République, c’est un combat de tous les jours : pour aider son prochain, pour refuser la misère dans laquelle plonge des millions de nos concityens, pour défendre les services publics, pour que chacun ait accès à la santé ou à l’école, que chacun ait un emploi lui permettant de vivre dignement.

Ces combats sont actuels. Et parfois, l’histoire s’accélère. Et le fascisme menace.

La crise actuelle sera peut-être l’une des plus grave de l’histoire du capitalisme. Crise sanitaire, crise économique, crise sociale, crise environnementale… Nous savons que c’est dans ces temps de crise que surgissent les idées les plus nauséabondes et dangereuses.

Le fascisme n’est pas mort, mais une nouvelle génération de résistants est aujourd’hui prête à défendre la liberté à tout prix !

Karl Marx nous a appris que les hommes font leur vie uniquement selon les circonstances qu’ils rencontrent, dans un contexte défini par les luttes et le rapport de classe du passé.

Ne pas enterrer l’histoire, c’est dans cet état d’esprit que nous faisons vivre ce rendez-vous pour Jules Domisse. Car il est primordial de ne pas oublier que c’est la résistance et les sacrifices d’hier qui nous permettent d’être libres aujourd’hui.

Honorer la mémoire est un devoir que nous avons envers lui et envers tous les résistants.

C’est également un moyen indispensable de préparer l’avenir. Celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre, disait Karl Marx.

Dans une période où les conflits armés connaissent un nouvel essor, où celui qui diffère est pointé du doigt, où l’on tente d’opposer les religions entre elles et où la peur de l’autre se diffuse à grande échelle, construire une France solidaire et fraternelle est un combat très actuel.

Ne regardons pas le passé avec nostalgie, crainte ou fatalisme. Abordons au contraire notre présent avec la confiance dans notre capacité à lutter pour obtenir gain de cause.

Des milliers d’hommes et de femmes nous l’ont prouvé. Il est possible de résister aux pires des attaques et d’améliorer notre sort collectif si nous sommes nombreux, conscients et organisés.

Soyons dignes de Jules Domisse et de ses camarades qui avaient faim de liberté, de justice et d’actions.

Battons-nous pour pouvoir croquer à pleine dent les « jours heureux » qui avaient été promis par le programme du Conseil National de la Résistance.

Mobilisons-nous chaque jour pour que ce sacrifice ne soit pas vain mais qu’il serve la cause de l’émancipation humaine. Réalisons le souhait de Jules Domisse et bâtissons tous ensemble un monde meilleur.

Nous sommes tous différents mais c’est la richesse de chacun qui crée la richesse collective.

Nous devons avoir confiance en nous pour avoir confiance aux autres. Certes, la vie n’est surtout pas un long fleuve tranquille, nous avons des périodes de doute, de désespoir, d’espoir, de rage, de fous rires mais nous sommes fiers de ce que nous sommes et de nos racines.

Merci à tous.

Alain Bruneel, député de la 16e circonscription du Nord.

Autour de Michel Meurdesoif, député, descendants et citoyens rendent hommage à Jules Domisse, maire communiste d'Aniche fusillé par les Nazis
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Texte et photos : MG, 26 septembre 2020.

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