Emilie Malaquin-Lapawa, Gabriel et l’apprentie Baba Yaga, 2021

Dans son second ouvrage destiné à la jeunesse, Gabriel et l’apprentie Baba Yaga (Ed. Planet Hypérion, 2021), Emilie Malaquin-Lapawa a convoqué la culture russe pour plonger le lecteur dans le merveilleux, l’imaginaire et le fantastique. En effet, l’autrice confie s’être inspirée de la Symphonie n°1 en sol mineur sous-titrée Rêves d’hiver de Piotr Ilitch Tchaïkovsky (1840-1893) et des contes populaires russes pour construire et nourrir une histoire riche en péripéties et à portée universelle.

Tout commence dans un marché de Noël que traversent Céline et ses trois garçons et où plane « quelque chose de magique dans l’air. » Très vite attiré par un cabanon reposant sur d'énormes pattes de poulet, Gabriel - le plus jeune des trois frères – apprécie la musique à la fois mélodieuse et envoûtante jouée à l’intérieur du chalet par quelques invisibles violons, violoncelles et autres flûtes traversières ainsi que l’odeur de gâteau au chocolat et à la cerise s’y répandant. Bien que le lieu soit vide, une boule à neige apparaît subitement dans laquelle se tient une jeune fille aux allures de grand-mère polonaise et des flocons se mettent à tomber du plafond.

L’imagination de Gaby s’emballe surtout lorsque surgit de nulle part Olga, une fille de presque 13 ans destinée à devenir une Baba Yaga, c’est-à-dire « une gardienne de l’autre monde, une divinité, une sorcière, une maîtresse de la forêt et des bêtes sauvages ». Elle prétend aussi vivre dans une isba, maison paysanne russe qui se déplace et tourne constamment sur elle-même grâce aux pattes de poulet sur lesquelles elle s’appuie.

Aspirées dans la boule à neige, les deux jeunes personnes se retrouvent dans l’autre monde où Gaby doit être dévoré. Et, comme dans tout conte traditionnel, les repères de temps et de lieux restent imprécis pour conférer le mystère : le jeune garçon est amené dans l’isba de la mère d’Olga située à la lisière d’une forêt sombre et immense et finit par perdre toute notion de temps.

Ayant convaincu Olga de fuir l’endroit et sa sorcière de mère, les deux enfants vont rencontrer au fil de leur course effrénée d’étranges et parfois menaçantes créatures. Si certaines s’avèrent des forces opposantes tel Ko Baïoun, monstrueux et gigantesque chat conteur de Baba Yaga mère, d’autres sont de solides adjuvants. Ivan-le-Tsarévitch et Loup gris, qui sont à la recherche de l’oiseau de feu volant chaque nuit les pommes d’or du jardin du tsar, offrent une boisson magique et une aide pour quitter la forêt. Plus loin, c’est la très belle Vassilissa sauvée de la noyade alors qu’elle pêchait pour son père sur un lac gelé qui leur fournit un foulard et un peigne également magiques. Quant au berger-flûtiste Lei et sa fiancée Snegourotchka - fille des neiges qui fond à chaque printemps -, ils les conduisent au village voisin dans lequel se prépare une fête si le compositeur Tchaïkovsky retrouve les partitions de sa nouvelle symphonie, qui n’est autre que celle que Gaby avait déjà entendue dans l’intrigant cabanon du marché de Noël.

Emilie Malaquin-Lapawa a su ainsi mobiliser un grand nombre de personnages issus de la culture slave pour raconter d’un point de vue omniscient – comme Olga, l’écrivaine lit dans les pensées des protagonistes - et avec de nombreuses touches d’humour un fabuleux récit qui séduira enfants et adolescents en quête de sensations et de légendes. Nous tairons, bien évidemment, la fin de ces cumulatives aventures épiques et fantastiques sans pour autant cacher sa dimension morale et humaniste.

Texte et photo : MG - 23 avril 2025.