A la mémoire de Jules Domisse, héros et martyr anichois

Le 26 septembre 1941 tombait au prix de la liberté, Jules Domisse, maire d'Aniche. En ce début d'automne, le sang versé irrigua colère et résistance. L'horreur n'avait plus d'ombre. Et les mots acquirent une plus forte résonance.

76 ans plus tard, la mémoire traduit toujours ce destin singulier brisé pour avoir défendu des valeurs communes. Devant le buste de ce grand homme, on honore le combat contre le pire. Ce soir du dernier jour de septembre, en présence d'Alain Bruneel, député de la 16e circonscription du Nord, des partisans du PCF des sections d'Aniche, d'Auberchicourt, d'Emerchicourt et d'Ecaillon, des membres du Rassemblement citoyen, des militants de la France Insoumise et des descendants de la famille Domisse, Michel Meurdesoif, enseignant, écrivain et maire d'Aniche a rappelé les raisons et l'importance du recueillement qui lient encore ceux qui vivent et luttent contre toute fureur et portent toujours l'espoir de voir venir des jours meilleurs.

« Les mots sont souvent galvaudés, détournés de leur signification profonde et utilisés à tort et à travers.

Je pense à martyr, je pense à héros.

Si nous nous rassemblons tous les ans, pour rendre un hommage fidèle, bien que très modeste à Jules Domisse, c'est parce qu'à travers lui nous faisons surgir des silhouettes familières, dont les rues de nos villes conservent les noms, parce que nous avons besoin de les évoquer pour maintenir active la flamme qu'ils ont allumée, flamme fragile que certains voudraient éteindre par le souffle de l'oubli. 

Famille, amis et camarades, ce buste de Jules Domisse nous invite à nous recueillir, à rassembler nos pensées, à nous poser des questions. Qu'est-ce qui pousse un homme à consentir au sacrifice ? Ce que Jules Domisse et ses camarades ont accompli, ils l'ont fait en pleine conscience, en connaissant tous les risques. Des femmes et des hommes ordinaires partageant un idéal - oeuvrer pour un monde plus juste et plus fraternel – sont entrés dans l'Histoire parce qu'en choisissant de suivre leur chemin, ils ont bousculé l'ordre des choses.

Patrick Poulain a rappelé la semaine dernière avec émotion, qui était son grand-père et comment sa famille avait réussi à garder vivante sa mémoire¹.

Rappelons que Jules Domisse, maire d'Aniche, a été déchu de ses fonctions, à la suite de la dissolution du Parti communiste français.

Ce qui fut le sort de tous ceux qui ont refusé de le renier. Les députés communistes restés fidèles à leur parti ont même été envoyés au bagne, quand le ministre socialiste de l'Intérieur, Sérol, souhaitait que l'appartenance au PC soit puni de mort.

Le Président de la délégation spéciale, nommé par le gouvernement qui administrait notre commune, écrivait alors au préfet pour réclamer des renforts de police en raison des agitateurs communistes qui distribuaient de la propagande à Aniche.

Pour frapper les esprits et tenter d'étouffer la révolte, furent raflés, déportés, internés tous ceux susceptibles de réveiller les esprits. Pour terroriser la population, les forces d'occupation frappèrent la résistance à la tête. Rappelons qu'avec Jules Domisse furent fusillés Arthur Brunet, maire de Denain et Victor Bancel, maire de Fresnes.

Mais les noms ne meurent pas ! Tant qu'on les rappelle, aussi longtemps qu'on les cite, le souvenir de ceux qui les ont portés restent vivants.

Mais les idées ne meurent pas ! Tant qu'on les défend, aussi longtemps qu'on se bat pour elles, des bras nouveaux reprennent le flambeau.

Jules et ses camarades de combat sont devenus des martyrs – c'est-à-dire des témoins – et des héros parce qu'ils sont restés fidèles. Quand les circonstances incitaient au renoncement, au reniement voire à la lâcheté, ils ont poursuivi leur chemin.

Ils n'ont réclamé ni gloire, ni larmes, comme disait Aragon du groupe de Manouchian.

Nous leur devons du respect de nous donner la fierté d'emprunter le même chemin. Ils l'ont rendu plus sûr mais il est encore long.

Merci à vous tous de votre présence, de votre soutien, de votre fidélité. Résistez pour rester debout. » (Michel Meurdesoif)

1. En présence des Anciens Combattants, des musiciens de l'Avenir musical de Kopierre, des membres du Rassemblement Citoyen, des Conseillers départementaux du Canton d'Aniche, Charles Beauchamp et Maryline Lucas, et des descendants de la famille de Jules Domisse, la municipalité d'Aniche a rendu hommage le matin du 23 septembre 2017 à l'ancien maire fusillé par les Nazis le 26 septembre 1941. Devant le buste récemment transféré sur le nouvel emplacement rue Wambrouck, Patrick Poulain a rappelé le parcours de ce héros local tout en réveillant les souvenirs de son enfance. Suite au dépôt de gerbes, la cérémonie s'est terminée par un vin d'honneur dans la salle Kopierre de la Société d'Histoire d'Aniche.

Texte introductif, note de bas de page et photos : MG - 1er octobre 2017.