Théodore Banaszak, photographe anichois issu de l'immigration polonaise (troisième partie)

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la photographie rencontre un vif succès auprès de la population grâce au tirage sur papier. Elle devient un moyen de représentation des classes populaires. Les migrants polonais font de plus en plus appel au photographe de quartier. Jean Kmieciak décide alors d'ouvrir un second studio dans la commune d'Aniche. Théodore Banaszak, « ouvrier photographe » donnant pleine satisfaction, peut assurer à présent seul le service photographique dans la cité de Kopierre. Aussi, Kmieciak rachète la maison du photographe Florian Calvin sise 31 bis rue Patoux qu'il confie à Théodore le 1^er juillet 1949.

Cette adresse est bien connue des Anichois et le restera lorsque le fils du célèbre photographe denaisien, Léon Lambert, rachètera le commerce en 1955 avant de céder les murs à l'imprimeur Paquet qui y exercera jusqu'au 30 juillet 1999. Aujourd'hui, l'adresse est celle de l'entreprise Depalux spécialisée dans le domaine de l'enseigne (impression numérique, lettrage adhésif, objets publicitaires, flyers, plaque de rue personnalisable, etc.).

Dès la fin des années 1940, le « Studio Jean » d'Aniche devient un espace de travail dans lequel le matériel d'éclairage permet de prendre des clichés et la chambre noire, le développement des images saisies. En dépit de la concurrence – les photographes Vandekerkove père puis fils détiennent aussi un studio dans la même rue -, le commerce prospère en raison d'une demande toujours plus forte d'images immortalisant les grands moments de la vie personnelle, familiale et communale.

L'appareil photo se démocratise petit-à-petit et la société entre dans l'ère de la consommation. Le Studio Jean assure évidemment les tirages photo, la reproduction sur carte postale mais aussi la vente et la réparation d'appareils. Théodore comprend qu'il est temps pour lui de se mettre à son compte, d'avoir son propre domicile pour y loger sa famille composée de trois enfants, Irène, Jean et Anne-Marie.

Irène épousera Léopold Rémy, commerçant de détail non alimentaire sur éventaires et marchés. Jean, né le 10 mai 1947 à Ostricourt, exercera le métier de secrétaire de la médecine du travail à la verrerie Boussois d'Aniche puis de comptable au service des briqueteries d'Arleux et de Sin-le-Noble. Marié à une employée de la Biscuiterie Anichoise, Renée Pinte, ce dernier était surtout apprécié des Anichois en tant que correspondant local à la Voix du Nord. Sa mort survenue prématurément le 23 novembre 1985 marque encore les esprits. Quant à Anne-Marie, aujourd'hui domiciliée à Arras, elle continue de préserver précocieusement négatifs et plaques de verre de son père.

A l'automne 1952, Théodore Banaszak loue à plusieurs adresses des pièces pour son usage personnel et professionnel. Ainsi, loue-t-il à la même date au numéro 23 rue des Juifs (actuelle rue des Frères Martel) et au 47 rue Thiers (actuelle rue Barbusse). A cette dernière adresse exercera dès 1955, un certain Stanislas Olek, photographe ayant repris l'enseigne de la maison de couture, les Etablissements Capron-Biernaux. On sait aussi que le couple Banaszak résidera plus tard au 53 rue Barbusse.

Naturalisés le 15 octobre 1954, Théodore et Valérie Banaszak deviennent titulaires d'une carte d'identité nationale le 22 mars 1958. Dès lors, le couple se porte acquéreur de quatre habitations avec cour, dépendances et jardin d'une contenance de 719 m² au 49 rue Barbusse. Acheté le 21 novembre 1958 à Edouard Dufour et Anne Dubrulle son épouse, l'immeuble est occupé de la manière suivante : la première habitation devient le lieu de résidence de la famille Banaszak ; les trois autres sont louées à M. Fresnoy, M. Douay et à Mme veuve Laisne.

C'est à cette adresse que Théodore ouvre son studio de photographie définitif portant toujours le prénom de son beau-frère, Jean Kmieciak. Assisté par sa femme, il y exercera jusqu'à la fin du mois de septembre 1987. Dans les années 1960, l'immeuble subit de gros travaux : la façade de l'habitation est abattue pour créer un magasin donnant sur la rue pavée, l'atelier à l'arrière-plan est transformé puis certains aménagements sont entrepris pour l'habitation d'Irène Banaszak qui épousera Léopold Rémy.

Le Studio Jean, qui devient une référence pour les Anichois, est à la fois un lieu de travail, de commerce et une raison sociale. Equipé d'une chambre noire, Théodore Banaszak développe les photographies uniquement en noir et blanc. Pour la couleur, il sous-traite tantôt avec le groupe belge Agfa, tantôt avec le fournisseur américain Kodak. Valérie, elle, gère le commerce en envoyant au labo les plaques de verre ou les négatifs et en préparant les photographies pour les clients. Son rôle non négligeable lui vaudra d'être surnommée « Madame Jean » !

Les commandes affluent ; le commerce prospère et la réputation de Théodore est manifeste. Photos d'enfants, d'identité et de mariage : le succès est garanti. La commune recourt, elle aussi, au service du photographe indépendant. Les images de Théodore sont imprimées à des centaines d'exemplaires sur les bulletins municipaux ; elles illustrent et informent en masse sur les décisions politiques et les événements socio-culturels d'Aniche mais aussi des villes avoisinantes.

Je ne remercierai jamais suffisamment Philippe Banaszak, petit-fils de Théodore et fils de Jean, pour sa confiance. Sans lui, les trois articles consacrés à l'histoire de sa famille n'auraient pu être écrits, ni illustrés. Si certaines informations me font encore défaut et s'il m'est techniquement impossible de reproduire les plaques de verre confiées, j'ose espérer que l'avenir saura mieux que moi mettre en lumière le rôle qu'ont joué les Banaszak dans l'histoire de l'immigration polonaise du Nord-Pas-de-Calais.

MG - 4 janvier 2018.

Lire aussi :

- Théodore Banaszak, photographe anichois issu de l'immigration polonaise (première partie) ;

- Théodore Banaszak, photographe anichois issu de l'immigration polonaise (deuxième partie).