Denain : une association au grand coeur défraie la chronique

Dans la commune la plus pauvre de France, l'association humanitaire et d'entraide sociale Denain au coeur agit depuis février 2017 au quotidien, sur le terrain, en vue de subvenir aux besoins essentiels de personnes en grande difficulté. Quand on sait que le taux de chômage avoisine les 35 % et que 11 % de la population bénéficie du RSA, on imagine aisément le travail colossal que représentent ces secours en nature, ces distributions de nourriture et de vêtements. « Au départ, nous voulions aider les SDF », confie Laurent Placart, président de l'association, « mais très vite les demandes de linges, de denrées et de meubles se sont démultipliées. Aujourd'hui, 1200 familles – 700 sur Denain, 500 aux alentours – sont bénéficIaires des colis alimentaires et des vêtements que nous préparons pour les plus démunis. »

Si l'association revêt une dimension familiale, elle mobilise pas moins de 20 bénévoles qui gèrent des ateliers de réparation, de location, de vente à petits prix de vélos et de coiffure, font le tour des hôpitaux, des orphelinats, des prisons, se rapprochent de migrants et vont à la maraude chaque samedi pour venir en aide, pour offrir des repas à ceux que l'on ne veut pas voir. « Ensemble, nous agissons avec le coeur auprès des plus meurtris, des défavorisés sans la moindre distinction culturelle, ethnique ou religieuse. Nous offrons même des tentes aux sans domicile », précise avec sérénité Laurent.

Néanmoins, « donner son temps et son coeur pour apporter du bonheur » ne semble guère convenir à tout le monde. En janvier 2019, le local et tout ce qui avait été récolté auprès de fournisseurs partent en fumée à la suite d'un incendie criminel. A cela s'ajoutent les pressions et menaces racistes subies régulièrement au quotidien tant virtuellement que réellement. « On nous a taxé de salafistes, on nous surveille de près et sommes très régulièrement contrôlés sur le plan de l'hygiène ; la pression est lourdement supportable », affirme le président. Et puis sont arrivés les déplorables dépôts sauvages de denrées alimentaires en forêt de Mormal et près de l'Escaut¹.

L'auteur de ces exactions qui vont à l'encontre de l'éthique de l'association a été exclu et contraint de réparer son erreur en nettoyant les berges de l'Escaut. Il n'empêche que si l'asso obtient toujours le soutien populaire, sa viabilité paraît compromise. A la fin de la troisième semaine de septembre, elle devra libérer l'endroit mis temporairement à sa disposition par la municipalité. Indépendant des politiques politiciennes et homme de valeurs², Laurent Placart songe aujourd'hui à délocaliser à Villeneuve d'Ascq ou Douai cette association qui établit un suivi des plus précaires et nourrit et reloge les SDF du Denaisis. « Nous avons entendus que Denain était la ville des cassos ; elle reste pour moi la capitale de la solidarité », a-t-il écrit ce matin non sans amertume sur la page Facebook Denain au coeur.

Texte et photos : MG - 28 août 2020.

1. « Nous avions récupéré onze palettes de produits DLC (Date Limite de Consommation). En trois jours, nous avons écoulé neuf d'entre elles. J'ai demandé à l'un de nos bénévoles de se rendre dans les fermes des alentours pour que les produits des deux dernières palettes alimentent des composts ou soient profitables à certains animaux. N'ayant su remplir sa mission, il a regrettablement déversé dans la nature ces denrées. » (Laurent Placart)

2. « Il y a moins de cinq ans, on m'a diagnostiqué un cancer. Mon espérance de vie étant limitée, je consacre donc le temps qu'il me reste aux autres. Je n'ai pas l'intention de laisser à mes enfants ni argent, ni maison. Ce que j'ai à leur offrir sont les valeurs que je défends. » (Laurent Placart)