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Eugène Isabey, Le Cabinet de l'alchimiste, 1841

Publié le par MG

Eugène Isabey, "Le Cabinet de l'alchimiste", 1841, huile sur toile, 66,5 x 99 cm, Palais des Beaux-Arts, Lille.

Eugène Isabey, "Le Cabinet de l'alchimiste", 1841, huile sur toile, 66,5 x 99 cm, Palais des Beaux-Arts, Lille.

Conservée au Palais des Beaux-Arts de Lille, peu connue du grand public et négligée par les historiens de l'art, cette huile sur toile de 66,5 x 99 cm réalisée en 1841 par l'artiste romantique Eugène Isabey (1803-1886) mérite notre attention, non pour sa facture mais pour ce qu'elle évoque : un alchimiste, ni jeune, ni vieux, assis dans son laboratoire penché sur un grimoire tout poussiéreux.

 

Dans cet univers de pénombre et désordonné, notre homme semble suivre des instructions qui lui permettront de découvrir le secret de la transmutation de la matière. Peut-être lit-il l'ouvrage apocryphe du mythique Hermès Trismégiste, La Table d'Emeraude ? Cherche-t-il encore le « pharmakon », remède à la mortalité de l'humanité ? Peu importe puisque la quête de l'alchimiste consiste tant à « guérir » de l'oxydation tout matériau qu'à rendre inaltérable l'organisme vivant.

 

Pour ce Grand Oeuvre, l'alchimiste doit fabriquer un agent capable de purifier la matière et d'allonger la vie : la pierre philosophale (lapis philosophorum), dense et rougeâtre. Dans le tableau d'Isabey, l'alambic placé à l'arrière-plan, permet déjà la distillation : les vapeurs s'échappent par le chapiteau tandis que le condensateur récupère les produits de l'opération. Mais, l'obscurité dans laquelle est plongée l'expérience n'annonce-t-elle pas d'avance l'infortune ?

 

L'or ou l'élixir obtenu ne résultera pas d'un désir de s'enrichir mais d'une volonté de comprendre la nature. Héritier des artisans du Moyen-Age, l'alchimiste est un praticien au service de la gloire de Dieu. Les recettes cryptées des érudits de l'Antiquité, des savants d'Orient et des philosophes laborantins d'Europe sont étudiées et expérimentées dans le cabinet de l'alchimiste moderne. Ici, aludels et alambics, coupelles et fioles, athanor et cornues servent à la distillation, la calcination, la coupellation et la sublimation de la matière.

 

Sans cesse renouvelée, l'expérience dépeinte par Isabey confirmera ou infirmera la théorie selon laquelle, à l'instar du Christ qui meurt et ressuscite, la matière s'éteint d'abord avant de renaître sous une forme différente et supérieure. Or, Antoine-Laurent Lavoisier (1743-1794) découvre, quelques décennies avant la réalisation de cette toile, que l'air résulte du mélange d'oxygène et d'azote - du grec z (vie) précédé du privatif « a » - réduisant ainsi à néant l'idée que toute matière se compose d'eau, de terre, de feu et d'air.

 

La chimie supplante alors l'alchimie. Néanmoins, Isabey peint encore en 1841, dans une vision romantique et dans un esprit mêlant magie et occultisme, un alchimiste entouré d'alambics et de grimoires espérant, à la lumière du jour, changer le monde. Au siècle suivant, le Douaisien François Jollivet-Castelot (1874-1937) et Eugène Canseliet (1899-1982) témoigneront dans les média de leur découverte : le premier aurait créé de l'or ; le second aurait revu Fulcanelli alors âgé de 113 ans en compagnie de l'entourage du roi Philippe II d'Espagne à Séville en 1953 ! Aussi, "rien n'est coïncidence, rien n'est hasard".

 

MG à Roger Facon – 8 janvier 2018.

 

L'expérience de Jollivet-Castellot relatée dans la presse à la fin des années 1920.

L'expérience de Jollivet-Castellot relatée dans la presse à la fin des années 1920.

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