Te souviens-tu ?

Te souviens-tu, tandis que le village dormait, avoir traversé, légère et confiante, la nuit claire ? Et puis mettre en branle la vieille porte, qui par ses gonds indiscrets annonça notre présence à la terre toute entière. Même l'escalier ne voulut étouffer nos pas en dépit l'effort que l'on se donnait pour ne plus exister l'un sans l'autre.

Te souviens-tu, alors que l'on finissait presque par se confondre, du chant strident du coq ? Crois-tu qu'il fût content de nous couper corps et âme ? Son récital l'époumonnait ; le voisinnage s'éveilla.

Te souviens-tu, qu'au milieu des vivaces et des grimpantes s'exhalait le parfum des amarantes, des pourpiers et des lilas ? Et de la grande table dressée s'élevaient les volutes du café noir, du lait chaud qui attend dans son récipient et du thé que tu espérais tant ?

Te souviens-tu de la croûte mordorée et craquante du pain à peine sorti du four, des confitures de cerise, de cassis, de rhubarbe, de mirabelle et de sureau exposées ? Chaque nuance, chaque fragance, chaque bruissement participait au spectacle d'une nature docile et accueilante.

Je me souviens aussi avoir goûté ce matin même le miel de notre amour.

Texte et photo : MG - 18 avril 2013.