Guesnain : La Musette a retrouvé Djim et Paam et libéré Pat Deubeulyou du pénitencier

La longue file est entrée dans le café. Calmement, elle a serpenté vers l’arrière salle du troquet le plus branché du comté du Nain Gaillou et de Maud de Saint-René. Elle a eu le temps de commander au comptoir un croque-monsieur façon cheffe Lulu et un verre de bière blonde. Elle s’est lovée sur les chaises, autour de quelques tables et dans tous les coins dans l’attente de revoir le couple mythique de L.A., Californie.

La dernière fois que Djim et Paam étaient en France, ils séjournaient dans le 4e, à Paris, 17 rue Beautreillis. Et puis, plus de nouvelles durant des années. Longue traversée du désert pour eux qui, autrefois ont été, pense-t-on encore. Djim avait néanmoins refait surface ces derniers temps au sein d’un groupe aux membres trop lourds de musique très légère. « Ch’étot Tristavirs », disait-on dans l’coin.

Hier soir, le frais miracle de la surprise demeurait en chacun. Le monde était là, surtout la famille. Toute la famille, leurs mioches et leurs secrets. La cérémonie allait commencer. Le concert était nouveau. Sous un chapeau en coton crocheté et coloré brûlant de désir, mourant de fièvre, Djim s’est déplacé dans l’air trouble. Il s’est assis comme un lézard sous les projos, a saisi nonchalamment sa guitare avant de faire entrer sa muse et âme sœur sur la scène.

« Djim et Paam, vivants ! » s’écria le public de la taverne où luisent les ales d’or que les langues lapent et l’alcool dans les flacons fols. Voix de serpent, accords égrenés sur cordes sous tension et sifflement sec de cazou dans la fumée : Djim a chanté à la face du p’tit monde rassemblé un univers d’images parfois familières, souvent ambiguës, audacieuses, éclairant ses rapports avec les autres mais aussi avec sa Paam. Et ses yeux de vieil Indien tournés vers elle quand sa belle l’accompagnait au micro. Un choeur en forme de coeur comme au temps où ils se retrouvaient dans la maison avec jardin située Love Street.

Aux côtés du duo légendaire, Vinz’ – 20 ans de conservatoire dans la musette – à la contre-bassine, Jazz Manouchki, la barbe tombant sur le cajon, et Nat Li la frout-frouteuse apportaient la profondeur, la solennité aux chants récités suscitant des visions comme lorsqu’on se retire dans une caravane, dans un rêve. Légers froissements de vêtements d’hommes lorsque la voix de Paam arrivait de très loin de l’intérieur, rires doux, féminins et coupables à l’écoute des vocalises de Djim, fous babils d’une famille d’amis autour d’une table chargée d’un festin local jusqu’à la fin des sons dans la nuit déjà froide et noire.

La sécurité garantie par Ben, un agent de la Picole nationale, a permis au couple comme aux musiciens de quitter la scène sans encombre après moult rappels. Le bar-salon se remplit d’un coup et Tonio, Sicilien en exil, servit la pression sans se presser.

Le verre à peine vidé, des notes se répandirent dans la pièce d’à-côté. Pat Deubeulyou, assis sur un tabouret, avait commencé à gratter les six cordes de son instrument. Prof de musique à Acheville, non Tennessee, Pat a chanté ses œuvres. Loin des écoles et autres pénitenciers qu’il a pour habitude de fréquenter, il s’est senti libre de balader les termes de la langue de Molière et de Prévert. Certaines de ses mélodies étaient adressées à sa dulcinée, présente devant lui. Du fond de son être, ses mots comme ceux de Hugo vont droit, chez celui qui l’écoute, au coeur et à l’esprit.

Rejoints par Djim et Vinz’, Pat a clos son tour de chant avec une reprise de Brassens : Les Copains d'abord, pardi ! Les nyctalopes sont partis ; les noctambules sont restés. Près du feu et autour de quelques musiciens attablés, ces derniers ont fredonné des airs irlandais, des tubes du passé. C’est ainsi qu’à La Musette, on aime s’amuser.

Texte et photos : MG – 11 novembre 2023.