Nous connaissons cette tentation. Souvent nous ressentons ce désir d'avancer pour aller voir la lumière dans le ciel large. Nous nous faisons confiance ; nous nous dirigeons vers cette éternité infranchissable.
Les mouvements de la marche, pareils à des mouvements d'écartèlement et d'exaspération intérieure, sont explosion et refus. Alors, de temps à autre, nous nous arrêtons. Nous relevons la tête et regardons cet azur vide.
Etirement en tous sens, le voyage est objet d'attractions malsaines, d'envies impossibles d'une inacessible perspective. Car quand bien même nous nous en approchons, l'horizon disparaît petit à petit.
Abstraction de toute lourdeur et de toute langueur, illusion de toute géométrie et de toute architecture, l'horizon n'est pourtant pas le fruit du hasard. Nous avons parfois l'impression d'être né ici. Pendant un instant, sur cette eau ou dans cette prairie, nous vivons de fantasmes, et de blessures aussi.
Le paysage a-t-il une mémoire ? Une vue dégagée nous permet d'imaginer des scènes qui se sont déjà produites. La solitude nous fait faire des gammes et le désert les multiplie. La multitude devient vacarme et la cité grandit.
Nous sommes une expérience en mouvement apprenant chaque geste. Geste de défi et de dépassement, geste de la riposte et de l'évasion, gestes en tous genres, gestes à la place d'autres gestes... Aussitôt oublié, surgit le suivant : ils habitent l'esprit du temps et des éléments naturels.
Voici venir le vent. Le vent qui rapporte la poussière d'étoile, assombrissant la lagune. Au large, la brume diffuse sa pose frontalière. Dans les vallées, les virages tectoniques bousculent toujours les minéraux.
La trace que laisse l'avion dans le ciel, comme une écriture, demeure le souvenir d'un départ vers un ailleurs. Maintenant, l'instant est passé. Sommes-nous des voyageurs d'un autre temps ? Peut-être ne sommes-nous que des voyageurs de notre époque dans une réalité déjà achevée...
Texte et photos : M.G., juillet 2005. A mon fils, Léo.
Plaquette de l'exposition Olivier Aubry, Présence absence réglables, du 15 septembre au 20 octobre 2005, galerie Samy Kinge, Paris.