CUL...ture !
Etudiant, je butinais la nuit de bistrot en bistrot à la recherche d'une âme soeur qui aurait pu comprendre mes tourments et partager mes plaisirs... Un soir d'hiver, accoudé au bar d'un troquet situé dans un quartier populaire de Lille, je noyais dans l'alcool les quelques pièces qui lestaient le fond de ma poche et participais du mieux que je pouvais aux conversations de comptoir... La philosophie de bistrot conduisait parfois à des impasses... La vérité que l'on cherchait désespérément se trouvait malheureusement au fond du verre que l'on tenait avec fermeté de peur qu'il ne se renversât.
Alors que mon nez gouttait depuis plusieurs minutes dans un demi de bière de Noël, une femme quinquagénaire se joignit à notre club de penseurs noctambules et nyctalopes. Et quand le cercle s'agrandit, les pintes paraissent toujours trop petites ! Mes camarades philosophes et moi prirent donc de nouvelles mesures au grand bonheur du cafetier. Et les sujets de réflexion fusèrent à nouveau. Repiquage de poireaux, inflation du paquet de cigarettes, troisième guerre mondiale... nous abordions les thèmes les plus graves de l'actualité... mais aussi ceux de nos collègues prédécesseurs tel l'existentialisme de Sartre quand nous étions unanimes pour reconnaître que l'autre - not'voisin - y nous emmerde ! Josie, la dernière arrivée, se montrait beaucoup plus poétique que nous autres. Elle excellait dans l'écriture de chansons... Nous l'écoutions d'abord réciter quelques vers, nous synchronisions ensuite nos bocks et reprenions enfin à tue-tête, et parfois à canons de rouge, chacune de ses paroles :
"Vos yeux traversent vos lunettes
Pour aller se poser
Sur le désir affiché
d'une fesse entr'ouverte.
Vos yeux voient du ciel bleu.
Vos yeux sont embrumés
Dans la chaleur des fesses
Qui se montrent à vos yeux.
Mon Dieu,
Mais mon Dieu que c'est bon
De voir sans être vu
La plus belle paire de fesses
Qui passe dans la rue !
Messieurs, enlevez vos lunettes,
Ce sera plus honnête
De regarder passer
La plus jolie nénette
Qui se meut sous vos yeux !
Car vos yeux traversent vos lunettes
Pour aller se poser
Sur le désir affiché
d'une fesse entr'ouverte..."
Toute histoire a sa morale... Pour nous, les caryatides du comptoir, pour nous les piliers maintenant incurvés du bar, c'était à voir, à voir, à voir... c'était à voir qu'il nous fallait !
Texte et illustration : MG, 03.12.2008.