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L'expression graphique de Nadège Dauvergne

Publié le par MG

Jeune artiste de l'Oise, Nadège Dauvergne a cette facilité déconcertante de faire sienne toute technique graphique. Qu'il s'agisse d'un motif croqué au fusain ou plus abouti à la mine de plomb, d'un sujet émergeant du mélange encre/fusain ou résultant de la succession de traits de brosse trempée dans l'encre de Chine, chaque image que Dauvergne nous donne à voir ne contient que ce qui est essentiel et nous émeut par sa simplicité.

Nadège Dauvergne n'invente rien. Elle se complait à esquisser un paysage, à construire un portrait, à composer une nature morte réduite à quelques éléments. Elle oublie tout de la hiérarchie des genres si chère aux Anciens et n'envisage aucune abstraction à la manière des Modernes. Ses propos sortent même des sentiers battus de l'art contemporain dont la plastique, avoue-t-elle, "ressemble plus à une escroquerie intellectuelle".

Nadège Dauvergne reste donc indéfinissable et ses oeuvres graphiques  - et picturales -inclassables. Pourtant, ces dernières, par leur traitement comme dans leur rendu, peuvent évoquer des grands noms de l'histoire de l'art occidental ou convoquer le savoir-faire des maîtres japonais de l'estampe ou de la peinture sumi-e. Bien que nourrie du legs de ses prédécesseurs, sa pratique consiste avant tout à "faire des images" accessibles à tous et à proposer "une autre manière de se positionner face au système Art trop élitiste".

Académique, symboliste, expressionniste... Nadège Dauvergne revisite à sa manière tous les styles, toutes les écoles pour proposer quelque chose d'ordinaire. Calligraphique, onirique, magique... les adjectifs ne manquent pas pour qualifier le dessin de l'arbre esseulé sur le plateau ; délicate, subtile et sensuelle, la fleur qui respire sur la pleine page ; surranné mais ô combien magistral son dernier Autoportrait au fusain... L'expression graphique de Dauvergne demeure indéniablement et profondément singulière.

M. G. 14 décembre 2008.



Notices :


Nadège Dauvergne, Depuis longtemps, linogravure, décembre 2008.

Le sujet a beau être un nu féminin, le parti pris esthétique refuse l'enjolivement inutile et la gradation subtile et fine. Le choix porte plutôt sur le dépouillement et la simplification formelle, ainsi que sur la réduction des moyens et de la technique. Résultat d'une volonté d'aller à l'essentiel du sujet représenté, cette linogravure de Dauvergne nous rappelle à la fois la découpe de formes des grands nus bleus de Matisse, les contrastes étonnants - pour ne pas écrire détonants - des artistes fauves et de Die Brücke ainsi que l'aspect radical des arts dits primitifs. Une chose est sûre, le rendu se veut toujours plus expressif : les masses noires et la réserve du papier opposent vides et pleins, pesanteur et légèreté, massivité et délicatesse, remplissage et incision... Il faut peut-être voir dans cette gravure l'expression de l'intériorité de l'artiste... Ernst Ludwig Kirchner n'affirmait-il pas "qu'il est intéressant d'explorer les gravures jusque dans le moindre détail (car) on apprendra nulle part ailleurs mieux à connaître un artiste en contemplant ses gravures" ?

M.G. 13.12.2008



Nadège Dauvergne, Fatigue, fusain sur papier, décembre 2008.

Bien que le sujet retenu soit toujours académique, le geste de Nadège Dauvergne, plus libéré que d'habitude, ne s'attache pas à retranscrire fidèlement la forme... Sa dimension expressive est d'autant plus renforcée par la couleur du support qui, par ailleurs, renvoie au supposé contenu de la bouteille. Nous nous interrogeons donc sur ce que ce contenant parvient réellement à contenir puisque la bouteille semble bien moins matérielle que la plage noire promptement esquissée derrière elle. Cette masse sombre, elle aussi, décontenance en ce sens qu'elle opère un glissement entre le fond rouge et les objets de la nature morte disposés devant. Par ce mouvement, elle suggère un éclairage ponctuel, tamisé. En définitive, ce qui relève ici à la fois de la passion et du crime, c'est la manière de traiter le motif de la bouteille. En effet, cette dernière paraît davantage l'empreinte d'elle-même tel l'indice d'un crime et, dans ce cas, nous subissons (signification première de "passion") le déversement du capiteux liquide sur toute la page.

M. G. 10.12.2008



Nadège Dauvergne, Sacrée Bettie, fusain sur papier, décembre 2008.

Faut-il encore rappeler que ce dessin de Bettie Page témoigne d'une certaine maîtrise technique et d'un goût prononcé pour le clair-obscur ? La célèbre pin-up américaine, récemment décédée, est immortalisée vêtue d'un apparat qui fit d'elle l'étoile montante de l'érotisme underground des années 1950. Les quelques cernes et l'emploi du fusain compressé soulignent la volumétrie de la playmate et confèrent à la scène une sensualité assurée. Des noirs les plus denses aux blancs du papier, Nadège Dauvergne use ici d'une gamme de nuances qui modèle la lumière sur toute la surface de la feuille, trahissant de surcroît la source photographique du sujet. Ce type d'exécution d'après cliché révèle certainement la volonté de l'artiste de rappeler que les poses photographiques de Bettie Page lui permirent de devenir une icone des plus populaires de son temps.

M.G. 15.12.2008

Nadège Dauvergne, Un grand verre de vitamines, crayon sur papier, décembre 2008.

Qui refuserait ce mélange vitaminé d'informations textuelles et visuelles, ce cocktail de données toutes faites et à fabriquer, cette orangeade de source industrielle et artistique ? De toute manière, quand ça cause d'ici et d'ailleurs, de nord et de sud... de contenu et de contenant, de conneries et de connes là... je dis en ce mercredi, qu' il faut arrêter d'être équitable et savoir quitter la table, à jeun (et même hors du Gers) ou à l'heure de l'ouest.

M.G. 25.12.2008

Nadège Dauvergne, L'Angélus (d'après Millet), fusain sur papier, 04 janvier 2009.

Van Gogh déclara un jour accorder "autant d'attention à l'homme qui fait l'oeuvre qu'à l'oeuvre elle-même"... Si je rapporte ici cette citation, c'est d'abord parce que ce précurseur de l'art moderne a emprunté tout au long de sa carrière artistique le thème de la paysannerie si cher à Millet. Mais, c'est également parce qu'en copiant des tableaux de maître, l'apprenant-artiste rend à la fois hommage à l'homme et au contenu de l'oeuvre inspirée...
La production grandissante de Nadège Dauvergne représente - j'en suis convaincu - une nouvelle naissance pour elle qui se cherche et qui trouve ici, en Millet, une sensibilité partagée. L'humilité du monde paysan et l'idéologie de la terre nourricière définissant la dimension populaire de l'iconographie de l'Angélus offrent ainsi à la jeune artiste la possibilité de proposer une image qui soit accessible à tous.

M.G. 04.01.2009


Cliquer sur
Nadège Dauvergne pour consulter ses oeuvres.





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M
Bonjour Nadège,Je suis encore en vacances... Je rentre sur Lille demain. Mais, je n'ai plus internet depuis un mois ; j'espère que cela s'arragera en août (problème de ligne).Je t'ai offert ce texte : fais-en ce que tu en veux.A bientôt.
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N
Bonjour Michaẽl,JC Sekinger est à l'initiative d'un petit projet, celui de montrer l'atelier des artistes à l'appui photos et textes expliquant leur travail. Comme ton texte n'a pas prit une ride je me suis permis de le lui proposer. Si tu y vois une objection dis-le moi.(Pour accéder à ton texte cliques sur Nadège Dauvergne)Bye.
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N
Oui, les peintures que je réalise avec David, mon mari sont signées (N+D) dans un coeur, c'etti pas mignon!, je suis en quelque sorte l'interprète de ses idées, nous choisissons un thème, mettons les idées sur papier, ensuite j'attaque une série de croquis jusqu'a la réalisation finale, depuis 2005 nous avons réalisé 5 toiles ensemble, la dernière sur le thème de l'amour mesurera environ 2m par 1.14m, mais je pense que tu as dû suivre l'évolution du croquis.N
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N
C'est avec émotion que je découvre ce texte ce matin, c'est effectivement un beau cadeau. Le travail que tu as fait,.. ce "feedback" sur mon travail est très instructif pour moi, il me permet de sortir un peu de mes discussions internes, et prendre un peu de hauteur. Il est vrai que je n'invente rien, mais j'aime dessiner,.. pendant trois années après les Beaux-arts je n'ai pas touché un crayon, vraiment dégoutée, et pourtant  c'est ce que sait faire de mieux... alors j''ai repris tout à zéro et me voilà repartie. Merci encore.Suivez la musique, c'est parti !
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M
<br /> <br /> Comme je te l'ai déjà dit, ta maîtrise technique est impressionnante. Tu collabores avec ton mari pour réaliser des toiles ? Mêmes ces peintures sont très abouties...<br /> MG<br /> <br /> <br /> <br />