Yan Leroy, Caprices
Caprice et invention ont toujours eu partie liée. Lorsque Giorgio Vasari évoque les
strani capricci de Filippino Lippi, c’est pour saluer ses qualités d’inventeur d’images originales, d’objets figuratifs
bizarres qui préfigurent presque le contenu des cabinets de curiosités en vogue à partir du XVIème siècle, tout en n’y voyant qu’idées fantasques sises dans l’esprit curieux du peintre, puis transcrites en images et saynètes capricieuses. Comme si le caprice et
l’invention étaient les fruits d’une imagination débridée anticipant intentionnellement l’acte de dessiner ou de peindre, et non les retombées figuratives ou formelles de ce que cet acte
produit.
Tristan Trémeau, L’esprit du caprice in Goya informe, descendances
modernes de Goya, musée des Beaux-Arts, Tourcoing, 1999, p.11.
Depuis quelques temps, Yan Leroy fraye son chemin dans le
domaine des arts visuels en re-présentant des figures, des animalcules ou des fossiles qui suscitent maints questionnements sur l’origine, la monstration et l’interprétation d’une image.
Chaque thème est aussi l’occasion d’aborder et de revisiter un mode d’expression où se côtoient dessin, aquarelle, peinture. L’héritage de ces techniques traditionnelles s’enrichit de procédés
numériques (photographie) et informatiques (art sur ordinateur), lesquels donnent naissance à des installations et des environnements. La conception in situ de l’œuvre permet enfin à
l’artiste de s’approprier l’espace en le rendant lieu.
Avec ce nouvel ensemble graphique Caprices, subtilement intégré dans les lambris de la chapelle de l’Institution Saint-Pierre à Lille, Yan Leroy donne libre
cours à sa fantaisie imaginative et spontanée. En opposant l’aléatoire à la rigueur, l’imprévisible au contrôlé, Leroy associe invention et folie plastique : des transparences se dessinent
des matières en mutation ; des jeux d’encre s’organisent des éléments bientôt familiers. Cependant, ce dicible en devenir met en doute la fiabilité du regard. Des perceptions
diamétralement opposées s’affrontent : au cœur de ces papiers, c’est tantôt l’irruption de conglomérats colorés, irréguliers et changeants dans un univers en formation, tantôt
l’engloutissement dans une masse béante de précieux minéraux encore inconsidérés par la géologie. L’œuvre de Yan Leroy se prête volontiers à une lecture plurielle puisque dessin et coloris, fond
et forme ne cessent de se contredire, répondant ainsi au moindre caprice de l’artiste. Variation soudaine dans le cours des choses, l’image se meut et nous émeut.

MG - 26 février 2004. Plaquette et photographies de l'exposition Caprices du 12 au 26 mars 2004, galerie Regarts, Institution Saint-Pierre, Lille.
- lire aussi Yan Leroy, Premiers signes.