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Michael Jackson : la rupture

Publié le par MG

Matthew Rolston, "Michael Jackson, King", Los Angeles, détail de la série  "Hollywood Royale", 1985.

Matthew Rolston, "Michael Jackson, King", Los Angeles, détail de la série "Hollywood Royale", 1985.

Qui n'a jamais été fan de Michael Jackson ou n'a jamais vu le court-métrage Thriller ? Quel fashion victim est restée insensible aux vestes à brandebourgs de cet homme à la main droite gantée de sequins ? Qui ne s'est jamais interrogé sur les frasques de cet artiste qui, en quarante-cinq ans de carrière a ramassé près de deux milliards de dollars ? Dites-moi qui, parce qu'horrifié par les incessantes transformations physiques du visage de « Bambi », n'a pas cherché à en comprendre les raisons ? Des Inuits aux Aborigènes, des Etats-Unis au Japon, tout le monde a un jour fredonné une chanson de Michael Jackson et s'est exercé à danser comme lui. Puisque chacun sait tout ou presque tout sur Michael Joseph Jackson (1958-2009), allons à l'essentiel. Et, parce que chacun d'entre nous pourrait être le biographe de cette star planétaire, contentons-nous de souligner ce qui dans l'oeuvre et dans la vie de Michael Jackson le distinguait de ses contemporains.

 

En rompant avec l'image de l'être humain socialisé, Michael Jackson a, durant toute son existence, bousculé les normes, repoussé les limites, transgressé les frontières entre l'acceptable et l'incompréhensible non seulement en tant qu'artiste mais aussi en tant qu'individu. Le trouble et les suspicions qui ont découlé de ses agissements publics et privés l'ont conduit paradoxalement à être considéré comme un marginal – certains ont même vu en lui un extra-terrestre ou un monstre – et une icône adulée par des centaines de millions de personnes de tout âge, de toute condition sociale et sur tous les continents. L'intérêt qu'on lui porte jusque dans les circonstances de son récent décès, relayé depuis qu'il est enfant par les médias avides de sensationnel, a contribué à faire de lui un mythe vivant.

 

Auteur-compositeur-producteur-interprète-acteur-danseur-chorégraphe, Michael Jackson a renoncé à cloisonner les arts et les styles. Comme Mozart, son génie s'est manifesté dès la plus tendre enfance et s'est caractérisé par l'inspiration des styles musicaux de son époque pour élaborer une musique personnelle et immédiatement reconnaissable à l'oreille en dépit de sa diversité. Proclamé « roi de la pop », il a su fusionner le gospel, le funk, le R'n'B, la ballade, le rock, le hardrock, le rap, les rythmes machiniques au sein de ses albums, oser détimbrer certaines notes et imposer des humming dans ses chansons séduisant ainsi toutes les générations sans exception. Véritable performer dans ses clips comme dans ses concerts, il a combiné ce qui relève de l'audio et du visuel, du film d'horreur et des images de synthèse, du mime et de la danse, de la chorégraphie street et de la comédie musicale, de la variété et de la culture urbaine, pour offrir ce qu'il y a de plus novateur et de plus spectaculaire.

 

A la manière de son moonwalk step donnant l'impression d'avancer en reculant ou de reculer en avançant, Michael Jackson a cultivé tous les paradoxes et les préoccupations des temps modernes. Ses nombreuses métamorphoses, reflets de l'engouement sociétal pour la chirurgie esthétique, n'ont-elles pas souligné la confusion des sexes, le culte de l'enfant roi et la phobie du vieillissement qui caractérisent tant notre époque ? A moins qu'il faille voir dans cette quête obsessionnelle de l'image idéale d'un être mi-noir mi-blanc, mi-homme mi-femme, mi-humain mi-alien, une volonté de transcender les dissensions raciales et religieuses qui secouent toujours notre monde. Cet androgyne qui - soi-disant - se régénérait dans un caisson à oxygène, ce reclus de Neverland qui préférait la compagnie d'un chimpanzé ou d'un boa constrictor à celle de l'homme, ce « Peter pan » de chair et d'os qui comprenait mieux les enfants que les adultes a su entretenir la part mystérieuse nécessaire à son aura universelle.

 

Avec 750 millions de disques vendus à ce jour, Michael Jackson est devenu le premier artiste de la mondialisation. La luxuriance instrumentale de ses chansons, son efficacité dansante, la puissance visuelle de ses clips, son excentricité vestimentaire et son évolution physique témoignent de la totalité d'un art qui transcende les modes et les civilisations. Créateur de génie, il était parvenu à faire de son existence même une oeuvre d'art. Mais, à l'instar de de Vinci, de Mozart ou de Picasso, le talent de Michael Jackson était indissociable du déraisonnable, de l'excès et de la destruction. Les inégalables mélodies et chorégraphies de Thriller ou de Ghost ont rythmé et préfiguré la progressive mutation de l'homme en être fantastique puis fantomatique. La frontière entre ce qui demeurait humain et ce qui devenait monstrueux, entre ce qui était encore vivant et ce qui mourait déjà s'amenuisait chaque jour davantage. Son décès survenu le 25 juin 2009 à l'âge de 50 ans a lui aussi contribué à l'ambiguïté de cet artiste mort ni jeune, ni vieux.

 

MG. 01 juillet 2009.

 

 

 

 

 

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M
Merci miss Hyde pour cette pluie de commentaires sur les articles sur MJ et Morrison...
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M
 MJ j'ai toujours eu un peu de mal à entrer dans son univers musical;, j'espere que ce n'est pas "snob" de dire cela, mais le succès planétaire de jackson n'etait-il pas dû aussi - comme celui d'elvis, quelques decennies plus tôt - au fait qu'il pouvait incarner tous les rêves, comme tu le dis, des inuits aux aborigènes sans jamais être l'un d'eux, vraiment ? l
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L
BonsoirMickaël Jackson c'est mon adolescence ! J'ai été attristée par sa mort mais surtout par son engrenage dans l'auto-destruction tout au long de sa vie. C'était et c'est encore un "grand" qui manquera à beaucoup... Bérangère
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N
Même sa mort était spectaculaire.Quand j'ai découvert Billie Jean j'avais 10 ans quelque chose comme ça et c'était fabuleux. Je revoie la vidéo aujourd'hui avec autant d'étonnement. J'aime beaucoup les ambivalences que tu as trouvé c'est tout à fait ça. Maintenant quoi dire... Pas grand chose si ce n'est que ce qui m'a fait me lever hier soir pour danser sur la piste c'était lui.
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L
Je découvre par notre "communauté Culture", ce blog.Il me plaît autant que le couloir qui conduit vers la lumière de la photo noire et blanc "Il n'est si longue nuit qui n'atteigne le jour" a dit Shakespeare...
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Z
Jackson n'a jamais eu la possibilité de mettre en pratique une règle de vie qui me semble pleine de sagesse : "Pour vivre heureux, vivons cachés". A 6 ans, il était déjà surexposé médiatiquement et, en toute logique, à 25 il ne savait plus qui il était : une belle leçon offerte aux parents qui rêvent de célébrité pour leur progéniture. Proportionnellement, les célébrités sont davantage sujettes aux névroses et à la dépression que les SMICards ; quant au génie, il est admirable chez les autres, mais fort peu enviable pour soi-même. "J'aurai préféré l'homme heureux aux poèmes malheureux qu'il nous a laissés" (Mardou Fox à propos de Baudelaire in Les souterrains de Kerouac). Cela dit, certains ont compris très tôt la nécessité de se protéger de l'hystérie collective et de la rapacité des journalistes et autres fan-atiques, c'est le cas de Salinger, par exemple...
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