Cécile Fargue abat les masques
"(...) toutes les vraies et incontestables oeuvres d'art possèdent ce double visage inquiétant et souriant (...), ce mélange d'instinct et de pure spiritualité."
H. Hesse, Narcisse et Goldmund, Calmann-Levy, 1948.
Exercice introspectif, l'autoportrait depuis Goya cache davantage qu'il ne révèle le visage de l'artiste. Il n'est plus un acte social traduisant une vision narcissique ou une manière commode de développer à moindre frais sa technique. L'autoportrait contemporain rejette toute vérité dans la visagéité pour ramener à la surface les surfaces les plus enfouies. A la manière d'Ensor qui considérait le visage comme un masque parmi les masques, Cécile Fargue met en image les grimaces de son âme.De la personna des acteurs de théâtre aux visages de carton ou de plastique des carnavaliers, le masque est souvent et malheureusement interprété comme une ruse, un mensonge, une diablerie. S'il est vrai qu'il dépersonnalise, le masque particularise. Il permet des expressions multiples que le visage ne saurait montrer. Cependant, le masque étonne, car il demeure en suspens, entre l'inerte et le mouvement, le silence et le cri, la vie et la mort.
Dans l'oeuvre de Cécile Fargue, la confusion entre le visage et le masque est si complète que l'on ne sait plus si l'artiste porte un masque qui cacherait son visage ou si ce masque est son seul visage. Froideur de la subjectivité, rictus de la mort, le faciès est alors mis à nu, dans sa chair et jusqu'à l'os. Du regard vide et déshumanisé au ricanement quasi squelettique, Cécile Fargue soulève ainsi les mascarades pour mieux rire de nos propres angoisses.Cette vision ironique, cette jouissance morbide de l'image de soi qui mène la représentation jusqu'à l'horreur nous place face à ce que nous ne voulons jamais voir, ni entendre. Cette hideur née de la rencontre entre ce que le miroir renvoie et ce que la vie a de plus terrifiant, qui nous prive de mot malgré ses évidents présupposés et nous assourdit par ses secrets murmurés, est la nôtre, à chaque instant. En s'auto-représentant à demi-masquée, en s'incarnant désarcanée, Cécile Fargue a su nous démasquer !
MG - 03 février 2010 -
Lire et voir le travail de Cécile Fargue :
- Les-Visuels-de-MadeMoiAiles
- La Maison Rouge