Jan Fabre, Le Scarabée sacré
Jan Fabre, Scarabée sacré,
bronze, 38 x 42 x 76 cm, 2011.
De quoi s'agit-il ?
Ce Scarabée sacré fait partie de la série des sculptures en bronze doré intitulée Chalcosoma, nom désignant le genre de grands coléoptères que l'on trouve en Asie du Sud-Est et caractérisé par une tête ornée d'un vaste plateau dentelé servant à découper des morceaux de bouse, des pattes arrière longues et pourvues de pointes à leur extrémité assurant la stabilité de l'animal et de pattes avant en forme de grosses truelles permettant de sculpter la matière fécale trouvée en forme de boule. Placé sur un socle de plus de deux mètres, l'arthropode coprophage est représenté de manière mimétique dix fois plus gros que nature et porte sur le dos une croix latine sur laquelle est inscrit en français «Le scarabée sacré » . Il est l'insecte qui revient le plus souvent parmi toutes les figures emblématiques de l'oeuvre de Jan Fabre. Quant à l'apparence dorée et lissée, elle montre le regard que porte l'artiste sur l'art ancien, de l'enluminure à la statuaire dite classique.
Quelle technique, et pour quel effet ?
A partir d'un modèle en cire réalisé avec minutie, Jan Fabre fait couler un bronze – matériau traditionnel de la sculpture – qui, progressivement, est poncé et poli, effaçant ainsi quelques détails sans pour autant détruire, par exemple, les éperons des pattes et laissant place à l'imagination. Sur l'éclat doré obtenu, l'artiste applique un vernis pour avions afin d'empêcher l'oxydation du bronze. La sculpture traverse ainsi le temps tout en conservant son revêtement lumineux. Telles les oeuvres achéiropoïètes de la Grèce antique ou de l'empire byzantin, la surface moirée de cette sculpture ne porte aucune trace de la main de l'homme et rappelle la brillance des élytres des scarabées. Le bronze de Jan Fabre résulte donc de la combinaison entre la reproduction d'après nature et l'invention d'un modèle, la tradition technique et la liberté d'exécution, la science et l'alchimie, le matériel et le spirituel, le passé et le futur.
Une symbolique païenne ou chrétienne ?
Le scarabée, qui existe depuis des millions d'années, est étroitement lié au sacré. Il symbolise la métamorphose et la renaissance. Déjà, chez les Egyptiens, le scarabée-bousier personnifiait Khepri, l'aspect matinal du dieu soleil : roulant l'astre devant lui au-dessus de l'horizon, Khépri faisait ainsi renaître le soleil chaque matin. Dans la mythologie grecque, ce sont les efforts de Sisyphe roulant éternellement un rocher jusqu'au sommet d'une montagne, qui renvoient au comportement de notre coléoptère. Ici, l'insecte arborant fièrement une croix, affirme également une parenté avec la symbolique chrétienne, celle qui invite à la méditation. Cependant, la conviction l'emportant sur la croyance, la représentation de la croix sur la carapace du scarabée paraissant déambuler, permet à Jan Fabre d'associer la Passion et la Résurrection du Christ : la souffrance et la mort reçoivent « une nouvelle peau […] libérée des stigmates et qui se soustrait à la notion de culpabilité chrétienne ou à la pensée du péché. »1
1. Jan Fabre, Conversation avec Ludo Bekkers, Editions Tandem, Gerpinnes, Belgique, 2006.
MG - 16 octobre 2013. In Cahier pédagogique de l'exposition "Illuminations, trésors enluminés de France - Jan Fabre, Chalcosoma" du 08 novembre 2013 au 10 février 2014, Palais des Beaux-Arts de Lille.
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