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Voici ce que Rousseau répondit au poème de Voltaire sur le désastre de Lisbonne :<br />
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"Je ne vois pas que l’on puisse chercher la source du mal moral ailleurs que dans l’homme libre, perfectionné,<br />
partant corrompu ; et quant aux maux physiques (…) ils sont inévitables dans tout système dont l’homme fait partie (…) la plupart de nos maux physiques sont encore notre ouvrage. Sans<br />
quitter votre sujet de Lisbonne, convenez, par exemple, que la nature n’avait point rassemblé là vingt mille maisons de six à sept étages, et que si les habitants de cette grande ville eussent<br />
été dispersés plus également et plus légèrement logés, le dégât eut été beaucoup moindre, et peut-être nul. Tous eussent fui au premier ébranlement, et on les eut vus le lendemain à vingt lieues<br />
de là, tout aussi gais que s’il n’était rien arrivé. Mais il faut rester, s’opiniâtrer autour des masures, s’exposer à de nouvelles secousses, parce que ce qu’on laisse vaut mieux que ce qu’on<br />
peut emporter. Combien de malheureux ont péri dans ce désastre pour vouloir prendre l’un ses habits, l’autre ses papiers, l’autre son argent ?(…)<br />
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Pour revenir au système que vous attaquez, je crois qu’on ne peut l’examiner convenablement sans distinguer avec<br />
soin le mal particulier, dont aucun philosophe n’a jamais nié l’existence, du mal général que nie l’optimisme. Il n’est pas question de savoir si chacun de nous souffre ou non ; mais s’il<br />
était bon que l’univers fut, et si nos maux étaient inévitables dans sa constitution. Ainsi l’addition d’un article rendrait, ce semble, la proposition plus exacte, et, au lieu de<br />
tout est bien, il vaudrait mieux dire, le tout est bien, ou tout est bien pour le tout….(…)<br />
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Si je ramène ces questions diverses à leur principe commun, il me semble qu’elles se rapportent toutes à celle<br />
de l’existence de Dieu. Si Dieu existe, il est parfait, s’il est parfait il est sage, puissant et juste ; s’il est sage et puissant tout est bien ; s’il est juste et puissant mon âme<br />
est immortelle, trente ans de vie ne sont rien pour moi, et sont peut-être nécessaires au maintien de l’univers. Si l’on m’accorde la première proposition, jamais on n’ébranlera les autres ;<br />
si on la nie, à quoi bon disputer sur ses conséquences …."<br />
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