ANICHE : dans les yeux de Linda...

Depuis les premières décennies du XXe siècle, il y a toujours eu un ou plusieurs studios photographiques dans la cité de Kopierre (59580). Le dernier en date fut celui d’Alain Vandekherkove, situé rue Patoux et fermé depuis fin 2019. On aurait pu croire que la démocratisation du numérique aurait sonné le glas de l’image composée par un professionnel dans un local aménagé pour figer le souvenir d’une personne ou d’une famille. Loin s’en faut puisqu’au printemps 2021, l’Anichoise Linda Lesieux lançait sa micro-entreprise Linda Les Enjoy Photography et ouvrait, le 27 avril 2022, un studio au 132 boulevard Drion.

« Enfant, j’aimais déjà faire des photos, manipuler des pellicules et utiliser un polaroïd », confie-t-elle. « Puis, après diverses activités professionnelles, je suis revenue à mes premières amours. Profitant de la crise Covid, je me suis progressivement formée au cadrage, à la lumière, au traitement de l’image, à la manipulation de nouveau-né qui nécessite des gestes de sécurité… et je continue de m’inscrire sur des sessions de formation pour parfaire mon expérience professionnelle. »

Aujourd’hui, Linda attire une clientèle extérieure à Aniche. Des mères, des familles viennent d’Aire-sur-la-Lys, Hazebrouck, Lille, Maubeuge, Mons pour immortaliser, le temps d’une séance, leur grossesse, leur couple, leur(s) progéniture(s). « J’interviens aussi lors de baptêmes, de mariages pour réaliser des reportages qui se finaliseront sous forme d’albums. » Car il est vrai qu’aujourd’hui, la tendance est de conserver une trame précise et complète de l’événement, allant de la cérémonie à la dernière danse en passant par le repas.

Les temps changent et le regard qu’on porte sur soi et sur les siens également. Si auparavant la clientèle se contentait d’un portrait endimanché tiré en quelques exemplaires, aujourd’hui elle cherche à paraître plus lisse, plus fine, plus belle dans des poses qui la mettent en valeur. « Les applications de filtres qu’on utilise pour s’auto-représenter et s’afficher sur les réseaux sociaux soulignent cette non-acceptation de soi. Beaucoup de femmes ont du mal à se voir vieillir ou à prendre du poids. Elles cherchent donc à ressembler aux standards de notre époque que véhiculent influenceuses et stars au travers de stories, de séries télé et de films. »

La différence entre ce qui est et ce que l’on veut voir n’est pas aussi insurmontable pour la photographe. En transformant ses modèles en icônes immortalisées dans la permanence de la mise en scène et, parfois, du costume, Linda arrange la réalité ordinaire en un instant magique et unique. Il arrive qu’une séance de mise en confiance en soi soit préalablement nécessaire. « Je ne veux pas les changer ; je sublime ce que je vois », précise-t-elle d’une voix apaisante.

Dans un monde où prime l’image de la superficialité, Linda doit sans cesse repousser les limites de la créativité et de la technique. La photo réalisée ne se contente plus de raconter l’histoire d’un individu et/ou d’une famille embarrassés d’idées reçues et de fatalisme, elle doit révéler la personnalité enfouie du sujet et susciter une émotion forte, une part de rêve de la condition humaine.

Mais pour cela, un simple déclic ne suffit pas. Non seulement, partant d’un studio relativement vide, Linda crée ce qui va être mis devant l’objectif mais œuvre aussi en aval à l’aide des logiciels informatiques pour retoucher l’image commandée. « Le post-traitement est toujours plus long que la prise de vue car je souhaite, en définitive, que les femmes se sentent belles et que les parents soient ravis des clichés retenus », insiste-t-elle.

Texte et photos : MG – 7 novembre 2023.

L’histoire contemporaine de la cité verrière est indéniablement liée à celle de la photographie. La verrerie Belotte, jadis située près de la gare, fut, par exemple, le fournisseur officiel de plaques de verre photographique de la Société des frères Lumière. Nos aînés nous rappelleront l’époque des grands studios photo comme celui de Théodore Banaszak. Aujourd’hui, la réputation de celui de Linda Les Enjoy Photography sis 132 boulevard Drion, semble s’inscrire dans la continuité de cette folle aventure de l’image.

Solidement formée et investissant tant dans des moyens techniques toujours plus innovants que dans des éléments constitutifs de décors, Linda Lesieux est en mesure d’imposer sa signature comme référence iconographique. Les images qu’elle propose deviennent un gage d’éternité pour ceux qui posent devant son objectif.

Aussi, à l’approche des fêtes de fin d’année, la jeune photographe ouvre son studio pour des sessions sur le thème magique de la cuisine de Noël. En vue de découvrir l’envers du décor, nous nous sommes rendus dans ce lieu où Linda arrête le temps pour construire des images féériques. Et la valeur de ces instantanés découle, pour reprendre Gaston Bachelard, de l’étendue de leur auréole imaginaire.

Texte et photos : MG - 28 novembre 2023.