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Un rêve qui vire au cauchemar

Publié le par MG

Photogramme extrait de la première séquence du film "L'Exercice de l'Etat" de Pierre Schoeller, 2011.

Photogramme extrait de la première séquence du film "L'Exercice de l'Etat" de Pierre Schoeller, 2011.

fiche professeur

 

Cette séance destinée aux élèves de Première professionnelle établit une passerelle entre l'objet d'étude « Du côté de l'imaginaire » du programme de français dans lequel le champ littéraire peut porter sur le surréalisme et le registre fantastique et le sujet d'étude historique « La Ve République, une République d'un nouveau type ? » en s'inscrivant dans l'organisation de l'enseignement de l'histoire des arts. Elle ouvre l'étude du film de Pierre Schoeller « L'Exercice de l'Etat » (2011) que les élèves visionneront dans le cadre du dispositif « Lycéens et apprentis au cinéma ». Cette étude se fera durant les heures dévolues à l'accompagnement personnalisé et contribuera à l'élargissement culturel des apprenants.

 

Champ anthropologique

Thématique « Arts, réalités, imaginaires »

L'art et l'imaginaire : transposition et récits de rêves, de cauchemars, créatures, personnages et motifs fictifs...

 

Objectifs :

  • susciter chez l'élève le désir de construire une culture personnelle ouverte au dialogue ;

  • lui fournir des outils d'analyse de son environnement social et culturel.

 

Lancement :

  • Projection de la première séquence du film L'Exercice de l'Etat (2 min)

- Que vous suggère cette scène ?

Problématique : comment l'imaginaire, le rêve joue-t-il avec les moyens du langage ?

 

On vérifie que les élèves ont perçu la dimension symbolique, onirique de cette séquence.

 

1. Le rêve, rébus nocturne :

 

Les élèves lisent le texte et renseignent le questionnaire.

Une mise en commun des éléments de réponse sert de correction.

 

2. Le rêve surréaliste :

 

Le professeur projette la reproduction de cette œuvre de Salvador Dali sans communiquer aux élèves le titre : Rêve causé par le vol d'une abeille autour d'une pomme grenade une seconde avant l'éveil, 1944, huile sur toile, 51 x 41 cm, Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid. Les élèves répondent par écrit aux questions posées. Puis la correction repose sur un échange oral que les élèves reprendront par écrit.

Un rêve qui vire au cauchemar
  • Description et analyse de l'oeuvre :

Comme souvent chez Dali, le tableau s'inscrit dans un paysage marin, probablement inspiré de Port Lligat. Dans celui-ci la muse et femme du peintre, Gala, est allongée, nue et lévite au-dessus de la mer. Deux gouttes d'eau sont suspendues dans l'air ainsi qu'une grenade. Gala se réveille au moment où le bruit d'une abeille qui vole à côté de la grenade lui évoque une image de baïonnette sur le point de la blesser. La baïonnette vient d'un tigre qui sort lui-même de la bouche d'un autre tigre qui sort de la bouche d'un poisson qui saute hors d'une grenade géante. Le rêve est représenté au travers des images oniriques qu'il nous évoque.

Au fond, on voit un éléphant aux pattes hautes et fines – arachnéennes – très classique chez Dali, et auquel rêve Gala avant que le bruit de l'abeille ne lui évoque ces images terrifiantes. Cet éléphant est inspiré de la sculpture de l'éléphant à l'obélisque qui se trouve place Santa Maria sopra Minerva à Rome, œuvre de Bernini, et que le peintre a également représenté dans ses toiles La Tentation de Saint Antoine et sur la sculpture d'or et de pierre précieuse réalisée en 1956 L'Éléphant spatial.

L'image de la femme enterrée dans les rochers apparaît dans certaines peintures et dessins de 1926, mais l'expressionnisme d'alors se transforma en un classicisme qui s'objectiva dans certains nus comme Leda atomica, Dalí nu ou le Christ de Gala.

En 1962, Dali expliqua qu'il voulut : « mettre en image pour la première fois les découvertes de Freud d'un rêve typique avec un long sujet, conséquence de l'instantanéité d'un accident que provoque l'éveil. Ainsi, comme la chute d'une barre sur le cou d'une personne endormie provoque simultanément son éveil, et la fin d'un long rêve qui prend fin avec la chute sur elle du couperet d'une guillotine, le bruit d'une abeille provoque ici la sensation de la piqure qui réveille Gala »

Source : Wikipédia.

 

Ce tableau a été directement inspiré par le rêve fait par la femme de Dali, et c'est donc pour cela qu'il est intéréssant de l'analyser. Tout d'abord, il faut partir de la théorie de Freud : L'amplification inconsciente des éléments extérieurs au rêve. La jeune femme nue est Gala, la femme de Dali, elle est assoupie à côté d'une grenade (en bas à gauche de la peinture). A côté de cette grenade, vole une guêpe.

Le bas du tableau représente la partie "réelle" du sujet de Dali.

D'après Sigmund Freud, le rêve joue le rôle de "Gardien" du sommeil. Il transforme les éléments extérieurs qui semblent perturber le dormeur, en objets oniriques, factices, pour ne pas que le dormeur puisse se réveiller, pour qu'il continue à se reposer.

La guêpe qui vole à côté de Gala semble être un danger minime dans la réalité, mais dans son rêve, il est amplifié. De la grenade jaillit un poisson, du poisson sort un tigre, et du tigre sort un autre tigre, qui pointe, de très près le bras de la jeune femme, un fusil-baillonette.

L'image du pic de la baillonette semble représenter inconsciemment le dard de la guêpe.
Il en est de même pour les deux tigres : leurs couleurs (jaune et blanc) et leur pelage parsemé de rayures noires, sont assimilables à celles de la guêpe.

L'empilement des animaux, qui semblent de plus en plus agressifs, montrent qu'il y a sur la jeune femme une menace très forte.

Le fait qu'elle flotte à moitié, étendue sur un rocher perdu au milieu de l'océan, est peut être une référence au rêve : On représente souvent les rêveurs sur un nuage, ou la tête dans les nuages. Peut être que le rocher signifie par ailleurs qu'elle est isolée dans sa tête, perdue dans son rêve. On peut faire beaucoup d'hypothèses à ce sujet.

En arrière-plan, on peut constater la présence d'un "Eléphant-Girafe" (nom donné par Dali), qui n'est rien d'autre qu'une invention de l'auteur et qui ne fait pas partie du rêve initial. Un éléphant est censé être très lourd dans la réalité, et très voyant. Et pourtant, sur ce tableau il se confond avec le ciel et tient sur des pattes d' "insecte"... Encore un paradoxe qui nous rapproche du rêve et de ses théories.

Source : http://tpe-representation-onirique.e-monsite.com

 

3. Le rêve de Bertrand Saint-Jean :

 

Le professeur projette une seconde fois les deux premières minutes du film.

 

Il s’agit d’une déroutante séquence de rêve qui se déroule dans les salons du ministère. D’étranges personnages masqués apportent bureau, tapis et accessoires du ministre. Une femme nue, escortée, arrive au milieu de cet intérieur raffiné, puis s’engouffre dans la gueule d’un crocodile tapi dans l’ombre de la pièce. Comme tous les rêves, celui-ci joue sur des associations d’idées et des déplacements symboliques. Les personnages masqués peuvent faire penser à une version plus inquiétante des huissiers de la République, qui sont eux-mêmes une forme républicaine des domestiques de l’Ancien Régime. Et la composante érotique du rêve renvoie évidemment à la libido de Saint-Jean tant l’appétit de pouvoir fonctionne sur un mode proche de l’appétit sexuel.

Source : Extrait du livret professeur in http://www.cineligue-npdc.org

 

L'analyse de cette séquence se fait oralement après que les élèves aient renseigné le tableau comparatif.

  • Décor théâtral (rideaux rouges) mais familier dans le cadre du pouvoir ; symbolisation du pouvoir.

  • L'Etat d'abord vide devient le lieu de rituels dans lequel s'agitent des serviteurs anonymes et de l'ombre ; mise en place des attributs du pouvoir.

  • Entrée de la femme nue et présence insolite du crocodile ; évocation des pulsions, du désir engendrés par l'exercice du pouvoir : « La pratique du pouvoir est une excitation » (Schoeller )

  • La femme s'engouffre dans la gueule du crocodile : c'est une dévoration consentie, recherchée. L'Etat dévore ceux qui le servent avec consentement.

  • Musique syncopée, hypnotique

  • Fin de la séquence : la sonnerie de téléphone marque l'arrêt du rêve tout en prolongeant l'impression d'inquiétude, de menace donnée par le rêve.

 

Cette séquence invite à la re-création symbolique du pouvoir politique.

 

MG d'après une réflexion de Christian Duriez, PLP Lettres-Histoire - 6 février 2015.

Un rêve qui vire au cauchemar
Un rêve qui vire au cauchemar

Lire aussi :

- Analyse de l'oeuvre de Salvador Dali, Rêve causé par le vol d'una abeille autour d'une pomme grenade une seconde avant l'éveil, 1944.

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