Dernières images de la verrerie Saint-Martin d'Aniche
En liquidation judiciaire jusqu'au 7 décembre 1995, l'ancienne Verrerie Saint-Martin (fondée en 1852) devenue entre temps Sovirel puis Sicover, vit en ce moment ses dernières heures. En effet, Dominique Dupuis, propriétaire du lieu, paie enfin, se console-t-il, « le prix de la tranquilité ». A 500 000 euros la démolition d'un pan de l'histoire industrielle anichoise et d'un plan lancé le 1er mars 1996 pour insuffler aux bâtiments une nouvelle vie, cette volonté de faire table rase découle avant tout d'un sens de la responsabilité. Squatté, dégradé, v(i)olé, l'endroit est devenu au fil du temps une zone à risques en dépit des mesures entreprises et des nombreuses plaintes déposées par l'entrepreneur, impuissant devant ces intrusions, ces manques de civilité, ces actes inconscients.
Lorsque Dominique Dupuis redémarre en 1996 sur le « verre noir » - verre de protection optique pour soudeurs -, il est aussitôt reconnu comme 2e fabriquant en la matière dans la région. Son rapprochement avec une usine slovène en 1998 lui vaudra quelques déboires. Toutefois, ses activités repartent et lui offrent en 2000 le titre de meilleure entreprise française vouée à l'exportation. Les difficultés techniques rencontrées dès 2005 pour maintenir sa fabrication de verres spéciaux puis les trois braquages de 2007 et 2008 l'obligeront à mettre un terme à Sicover et à fermer le site. Dominique Dupuis ne désespère pas pour autant : la commune saura, pense-t-il, garantir la survie de ce lieu au lourd passé, en créant une zone franche qui attirera des entrepreneurs. Malheureusement, la municipalité ne partagera jamais son point de vue.
A l'heure où les élus s'interrogeaient également sur l'endroit susceptible de réunir les écoles privées d'Aniche, d'Abscon et de Somain (respectivement Saint-Joseph, Sainte-Odile et Sainte-Anne), le site de l'ex-Verrerie Saint-Martin reconnu non pollué et débouchant sur le Stade Dubray présentait toutes les conditions pour recevoir une structure scolaire capable d'accueillir près de 1500 élèves. Or, le choix de développer ce projet éducatif se portera ailleurs, sur celui de la Renaissance plus connu sous l'appellation des « Quatre-chemins ». L'occasion de préserver le passé industriel local en réhabilitant des murs datant pour certains d'entre eux du XIXe siècle sera la dernière.
Il y a peu de temps encore, au grand regret de M. Dupuis, certains promoteurs immobiliers locaux et parisiens aspiraient exploiter le terrain de l'ex-Verrerie Saint-Martin sise sur l'axe Douai-Denain. Aujourd'hui, nous assistons à la destruction complète du site. Avant la fin 2015, l'un des fleurons industriels de la ville d'Aniche sera un immense terrain vague. Des fours de type Fourcault employés, des procédés de laminage vertical requis, de la mise au point et du développement de la fabrication du verre Pyrex, des laboratoires de chimie, des salles de contrôle, des conditions de travail d'une entreprise qui a employé jusqu'à 530 personnes ne subsisteront bientôt que des images de regret et de nostalgie qui illustrent déjà cet article.
Texte et photos : MG - 12 août 2015. Je remercie vivement Dominique Dupuis pour son accueil et l'autorisation qu'il a bien voulu m'accorder pour photographier sa propriété. Il va de soi que seules quelques images sont ici diffusées ; je me garde de conserver une centaine d'entre elles prises ce jour.
Les documents datant de la première moitié du XXe siècle et l'historique de cette verrerie proviennent de sources diverses et m'ont été communiqués par René Diverchy, président de l'association des amis du Centre de Mémoire de la Verrerie d'en Haut d'Aniche.
Le château d'eau situé sur le site de l'ex-Verrerie Saint-Martin d'Aniche servant de relais téléphonique sera l'unique rescapé de ce désastre.
Ancienne entrée (rue Charles Delhaye, actuelle rue du Général Delestraint) de la Verrerie Saint-Martin d'Aniche au début du XXe siècle.
Enfournement des matières premières dans la Verrerie Saint-Martin d'Aniche. Carte circulant en 1906.
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