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La place Fogt d'Aniche : de l'espace privé à la place publique

Publié le par MG

La place Fogt avec un kiosque provisoire à la fin des années 1910.

La place Fogt avec un kiosque provisoire à la fin des années 1910.

A l'origine de cette place située non loin du lieu dit le « village » (actuel pourtour de l'église Saint-Martin), se trouvent quelques terrains enclavés et fortement dénivelés acquis par plusieurs familles (Fogt, Patoux et Becquet de Mégille). Cet espace va très vite se transformer en un ensemble d'habitations organisées autour d'un îlot de terre central.

Au début des années 1880, Louis Fogt, issu d'une famille de maître-verriers arrivée de Monthermé (Ardennes) à Aniche au milieu des années 1830, propose à la municipalité ces parcelles en vue de réaliser une place publique. En dépit de réticences exprimées lors du Conseil municipal du 20 septembre 1883, l'on consent de projeter une place à partir de laquelle trois sentiers pourraient devenir des rues : celui dit « Cordon du village » qui débouchait d'un côté sur l'actuelle rue Barbusse (ancienne rue Thiers) et de l'autre sur l'actuelle rue Patoux (ancienne rue Verte) et celui donnant sur l'actuelle rue Delforge (ancienne rue de l'Union).

Suite à cette promesse, les premières constructions s'élèvent. La famille Fogt réclame alors le pavage et l'éclairage de leur place. Le 27 décembre 1905, le Conseil municipal dirigé par Pierre Bertinchamps (1843-1922) retient l’idée d’ouvrir l’actuelle rue Alexandre Fogt (1840-1907) entre cette nouvelle place et la rue Henri Barbusse. Deux ans plus tard, Louis Fogt réussit à faire élargir avec des trottoirs et des fils d'eau les différents accès à la place. De 1908 à novembre 1911, la commune entreprend la pose de six lanternes à gaz permettant l'éclairage du site. Cependant, la commission des travaux n’accepte toujours pas le 6 septembre 1908 la donation : ces terrains restent donc privés.

Malgré tout, de nombreuses manifestations sportives, festives et musicales se produisent à cet endroit dès les premières années du XXe siècle. Le jeu de balle ou jeu de paume, inauguré le 3 avril 1894 sur la place de la bascule (actuelle Pyramide) se pratique aussi sur la place Fogt. Dès la fin octobre 1910, le "Football Club Anichois" dont le siège de la société est installé au 58 rue Thiers puis "l'Olympique Anichois" y dispute ses premiers matchs. Le 1er novembre 1911, Le Républicain d'Aniche et environs relate une rencontre sur cette place contre l'Association Héninoise remportée par les Tigres anichois 6-0.

L'on pense aussi que l'envol du ballon « Le Saturne » piloté par un membre de l'aéroclub « L'Essor », créé le 11 novembre 1906 par Jules Charlier avec la participation des Mines (gaz) a lieu sur cette place le 29 juillet 1912. Par la suite, notamment dans les années 1970, l'ascension du ballon pour la Saint-Laurent - fête des verriers - se fera depuis la place Fogt. Enfin, l'on tient à rappeler que M. Dangréau, habitant ladite place et compositeur de l'air du géant Kopierre, dispense des cours de solfège chez lui et dirige l'Harmonie municipale qui donne quelques concerts sur la place.

"L'Olympique Anichois" sur la Place Fogt en 1912. De haut en bas : Denicourt, Jean Lefort, M. Mayer, Al Delval, Hennart Jules, Abel François, Schneider, R. Bertiaux, P. Dam, Bastien Largillière. Photo conservée à la Société d'histoire d'Aniche.

"L'Olympique Anichois" sur la Place Fogt en 1912. De haut en bas : Denicourt, Jean Lefort, M. Mayer, Al Delval, Hennart Jules, Abel François, Schneider, R. Bertiaux, P. Dam, Bastien Largillière. Photo conservée à la Société d'histoire d'Aniche.

Le château Fogt-Dangreau en 1914 au fond de la place Fogt.Le château Fogt-Dangreau en 1914 au fond de la place Fogt.

Le château Fogt-Dangreau en 1914 au fond de la place Fogt.

L'envol du ballon sur la place Fogt le 29 juillet 1912.
L'envol du ballon sur la place Fogt le 29 juillet 1912.

L'envol du ballon sur la place Fogt le 29 juillet 1912.

11 août 1974 (Saint-Laurent) : envol du ballon depuis la Place Fogt d'Aniche et journal de vol - Source : René Diverchy.
11 août 1974 (Saint-Laurent) : envol du ballon depuis la Place Fogt d'Aniche et journal de vol - Source : René Diverchy.
11 août 1974 (Saint-Laurent) : envol du ballon depuis la Place Fogt d'Aniche et journal de vol - Source : René Diverchy.
11 août 1974 (Saint-Laurent) : envol du ballon depuis la Place Fogt d'Aniche et journal de vol - Source : René Diverchy.
11 août 1974 (Saint-Laurent) : envol du ballon depuis la Place Fogt d'Aniche et journal de vol - Source : René Diverchy.
11 août 1974 (Saint-Laurent) : envol du ballon depuis la Place Fogt d'Aniche et journal de vol - Source : René Diverchy.
11 août 1974 (Saint-Laurent) : envol du ballon depuis la Place Fogt d'Aniche et journal de vol - Source : René Diverchy.
11 août 1974 (Saint-Laurent) : envol du ballon depuis la Place Fogt d'Aniche et journal de vol - Source : René Diverchy.
11 août 1974 (Saint-Laurent) : envol du ballon depuis la Place Fogt d'Aniche et journal de vol - Source : René Diverchy.
11 août 1974 (Saint-Laurent) : envol du ballon depuis la Place Fogt d'Aniche et journal de vol - Source : René Diverchy.

11 août 1974 (Saint-Laurent) : envol du ballon depuis la Place Fogt d'Aniche et journal de vol - Source : René Diverchy.

En ce début de siècle, la ville compte de nombreux estaminets et cafés dans lesquels on aime boire un verre et s'amuser. Entre 1906 et 1914, par exemple, on joue sur la place Fogt chez Vendicien Défossez à l'astiquette (petit réservoir en métal brasé sur un clou de grosse section dont l'extrémité se termine parfois par un manche à bois) et chez Dogimont Ségard, aux billons et au piquet. Le piquet est certainement le jeu de cartes le plus apprécié avant la Première Guerre mondiale. Il se joue à deux ou à plusieurs avec 32 cartes. Le but est d'obtenir 100 ou 150 points. Quant à la règle du billon, elle consiste à envoyer l'extrémité la plus mince d'un morceau de bois de 80 centimètres pesant quatre kilos le plus près du but (un pieu enfoncé dans l'aire de jeu) ou à déplacer le billon adverse mieux placé.

Durant la Première Guerre mondiale, l'on sait seulement qu'un médecin allemand loge au château Fogt dès 1915. Les habitants comme ceux des communes occupées par l'ennemi subissent réquisitions, privations et terreur. Dès octobre 1918, le mobilier retrouvé est entassé par les libérateurs dans des baraquements rapidement montés sur la place. Les supposés propriétaires de ces biens, assistés de deux témoins, viennent les récupérer. Les cas litigieux sont réglés par une commission lors d'une confrontation. Mais, dès septembre 1919, la population est avisée que les meubles non réclamés (piano usagé, table en mauvais état, cuisinière demandant réparation...) seront être remis au dépôt général de Douai et vendus au profit de l'Etat. Ce qui est chose faite en février 1920.

La place Fogt recevant des baraquements provisoires pour entreposer les objets et mobiliers récupérés afin de les soustraire aux vols. Photo datant de 1919.

La place Fogt recevant des baraquements provisoires pour entreposer les objets et mobiliers récupérés afin de les soustraire aux vols. Photo datant de 1919.

La place Fogt. Date non connue.

La place Fogt. Date non connue.

Dès 1920, bien que toujours privée, de nouvelles demeures se dressent sur la place. En 1921, la place semble retenir maints suffrages pour accueillir le Monument aux Morts pour la Patrie que l'on s'apprête à réaliser. Mais après d'âpres discussions, la place Fogt est rejetée en raison de sa mise à niveau et du problème de l'écoulement des eaux.

Entre 1919 et 1925, la municipalité officialise quelques dons de terrains qui permettent la réalisation de nouvelles places et de nouvelles rues. Le 31 août 1921, les prénoms et noms de certains membres de la famille Fogt sont proposés à la place et aux deux rues qui y aboutissent. Le 30 mars 1923, les héritiers Fogt renouvellent leur don à la commune. Le problème de la place Fogt et des rues Alexandre Fogt et des Trois Soeurs Fogt, objets depuis 1908 de longues tractations entre la famille Fogt et la Mairie, trouvent enfin une heureuse solution après l'acceptation définitive de cet ensemble par le Conseil municipal le 20 août 1924.

Ainsi, la rue Fogt est dédiée à Alexandre Fogt, maître verrier, directeur de la Verrerie d'En-Bas et maire d'Aniche de 1878 à 1881. La rue des Trois Sœurs Fogt à Juliette (1866-1906), Victorine (1848-1944) épouse de M. Lapeyre lequel succède à son beau-père à la direction de la Verrerie d'En -Bas et Louise (1871-1946), épouse du docteur Vallet. Les trois soeurs sont les filles héritières d'Alexandre Fogt. La place Fogt, quant à elle, porte le nom de Louis Fogt, lui aussi maître-verrier, et frère d'Alexandre.

Les activités sportives se maintiennent sur la place. En 1931, par exemple, des compétitions de basket s'y déroulent. Dans les années 1960-1965, des rencontres de volley-ball attirent un public même par temps de neige. Le café du coin sert alors de vestiaire et l'on se souvient encore de l'eau chaude préparée dans une cuvelle par le tenancier-coiffeur. L'équipe de séniors au maillot bleu traversé par une diagonale violette remportera le titre de championne de France. En 1991-1992, l'Office Municipal des Sports tente vainement de remettre en place un terrain de jeu de balle...

En 1931, on projette d’y créer un square. Mais l'idée reste sans lendemain. Peu de commerces s’y établissent. On peut néanmoins consulter le dentiste Henri Caunois dans les premières années 1920 puis E. Pellerat de 1934 à 1937. Dès 1921, la teinturerie Dussaussois offre sa vitrine à l'angle de la rue Alexandre Fogt avant de devenir le café de l’ancien maire Jean Schmidt (1907-1960) que les habitants surnomment « Jaurès ». Le château du fond de la place est habité par le Docteur Delépine (médecin du travail des Verreries notamment celle dite d'En-Bas) avant de devenir la demeure de Michel Laronde, administrateur délégué et directeur de la Verrerie d'En-Haut, décédé en 1936. Un garage, celui de Dehove puis de Rollin, fait la joie des automobilistes durant quelques années. L'école Marie Curie sise rue des Soeurs Fogt, est inaugurée le 5 septembre 1959. D'abord établissement de filles (1959-1970), elle devient une annexe mixte du collège Léo Lagrange pour les classes de 6e et 5e. En 2009, une maison médicale voit le jour dans cette même rue.

Une place en terre battue ? A droite de l'image non datée, la teinturerie Dussaussois.

Une place en terre battue ? A droite de l'image non datée, la teinturerie Dussaussois.

La vie commerciale sur et autour de la place Fogt. Source : René Diverchy. La vie commerciale sur et autour de la place Fogt. Source : René Diverchy. La vie commerciale sur et autour de la place Fogt. Source : René Diverchy.
La vie commerciale sur et autour de la place Fogt. Source : René Diverchy. La vie commerciale sur et autour de la place Fogt. Source : René Diverchy. La vie commerciale sur et autour de la place Fogt. Source : René Diverchy.
La vie commerciale sur et autour de la place Fogt. Source : René Diverchy. La vie commerciale sur et autour de la place Fogt. Source : René Diverchy. La vie commerciale sur et autour de la place Fogt. Source : René Diverchy.

La vie commerciale sur et autour de la place Fogt. Source : René Diverchy.

En 1989, la municipalité décide d'ouvrir la rue dont le projet du 26 août 1931 a été annulé lors de la libération du Conseil du 15 février 1949 : celle permettant d'accéder à la place par la rue Lemaire. Depuis, cette voie porte le nom du Bicentenaire de la Révolution. Aujourd'hui, la place Fogt attend d'être rénovée et arborée en vue d'apporter un espace nature au cœur de la ville.

 

MG - 23 février 2016.

La rue Alexandre Fogt à la fin des années 1990.

La rue Alexandre Fogt à la fin des années 1990.

La place Fogt en septembre 1998.

La place Fogt en septembre 1998.

L'ancien château Fogt en juin 2002.

L'ancien château Fogt en juin 2002.

Le café "Le Fogt" à l'angle de la place Fogt et de la rue Alexandre Fogt au début des années 2000.

Le café "Le Fogt" à l'angle de la place Fogt et de la rue Alexandre Fogt au début des années 2000.

La Voix du Nord, 30 juillet 2017.

La Voix du Nord, 30 juillet 2017.

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B
Remarquable travail ... Anichois de naissance j'aime me plonger dans l'histoire de la ville. La place Fogt était devenu dans mes souvenirs Foch... ses mêmes souvenirs des années 1954 à 1975 font de cette place une sorte de garé routière pour les liaisons en autocar pour les villes environnantes... Avez vous des photos de cette activité ? Merci encore pour ce blog de qualité !
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B
Documents très intéressants (comme d'habitude) merci MG
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M
Merci Bernard. C'est surtout énormément de travail pour un résultat qui ne sera jamais exhaustif. Je manque de temps - ah, si je pouvais être à la retraite ! - mais aussi d'informations, d'anecdotes... J'essaie de retracer l'histoire locale car bientôt aucune relève ne sera assurée. Les gens vieillissent et la jeunesse se mord la queue ! Encore merci pour votre fidèle attention.