Jean-Marc Demetz, Desoxy
L'homme au feutre et aux lunettes rondes a encore frappé cet hiver en publiant aux éditions « Les Presses du Midi », son sixième polar. A la limite du fantastique, Desoxy est certainement le meilleur roman de Jean-Marc Demetz alias Jimmy qui, de la première à la 146e page, tient son lecteur en haleine tout en le mettant en alerte sur les déviances comportementales de ses protagonistes. Son récit non conventionnel semble comme sorti d'un grimoire alchimiste.
Poursuivant l'effort entrepris par Roger Facon et Serge Ottaviani dans le Maître du Saint-Sang (2017), Jimmy convoque au travers de la découverte d'un chapeau qu'aurait porté l'un des fils de Pierre-Paul Rubens lors d'une pose entre 1624 et 1625, l'Anonyme d'Anvers. Entre le déroulement de l'enquête policière menée minutieusement par Anouck Furhman et la description des horribles scènes de crimes, l'auteur nous balade tantôt dans les souterrains oubliés du Vieux-Lille, tantôt dans la basilique du Saint-Sang de Bruges.
Remarquablement construite, la trame narrative pourrait renvoyer à celles de son ami Franck Thilliez. D'ailleurs, cette référence n'est pas anodine puisqu'à la page 32, on apprend que l'une des victimes s'apprête à lire dans la chambre d'un Novotel La Chambre des morts avant de trépasser. Auteur-narrateur, Jimmy relate une affaire des plus énigmatiques de la littérature qui mêle jusqu'au moindre indice symbolique thriller et ésotérisme. Et l'option du point de vue omniscient n'épargnera guère au lecteur les insoutenables souffrances physiques endurées par les jeunes femmes.
Jean-Marc Demetz entouré de Roger Facon et de Jean-Pierre Broquet lors du "Petit Salon du livre et de la bière" au Palais de la Bière organisé par Rémy Fleury, responsable de la maison d'étions Hypérion Avenue, à Aniche le 15 décembre 2018
Recherche laborieuse d'ADN (acide désoxyribonucléique d'où le titre du roman) révélant progressivement l'existence de deux alchimistes nés au Moyen-Age, enlèvements et massacres de filles, prélèvement d'adrénaline après décervelage, le lecteur nage en eaux troubles, du moins dans celles de la Deûle archi polluée par les industries qui déversaient sans scrupules leurs poisons avant de se débarrasser définitivement de leurs ouvriers. Jimmy est aussi ce romancier qui promène par le biais d'une description réaliste et d'un vocabulaire acide voire acerbe son lecteur sur son terrain de prédilection, le Nord de l'Europe post-industriel.
Au moment des fêtes mièvres de fin d'année, Desoxy peut être ce cadeau qui dégrippe tant il contient suffisamment d'indices pour relire autrement l'Histoire régionale, nationale et universelle au travers des symboles inscrits dans les éléments architectoniques urbains que dans les manuels aseptisés de l'école républicaine. En suivant à la trace les parcours de l'Anonyme d'Anvers et de Sigmund Wann alias Simon Lequand, Jimmy nous amène à nous positionner sur la problématique de l'immortalité qui bouleverse ce sentiment rassurant : « mieux valait laisser le monde en paix » !
Texte et photos : MG.
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