Guillaume Guéraud, Je mourrai pas gibier, 2005
En ces temps de crise, de mal être et de doutes où l’humain reproche à ses proches de ne pouvoir être immortel, le roman de Guillaume Guéraud Je mourrai pas gibier (2005) est une salve de plombs envoyée à la gueule des lecteurs fragiles, qui se masquent la face et étouffent la détresse de leurs progénitures.
Issu d’un milieu socio-culturel défavorisé, le jeune narrateur blessé au genou après s’est défenestré depuis le premier étage de sa maison se remémore dans l’ambulance les irréversibles actes qu’il vient froidement de commettre. Bien que construite sur une économie lexicale et syntaxique, cette sanglante et mortifère analepse révèle le désespoir d’un adolescent prostré dans un monde figé, mesquin et sans avenir prometteur. La folie meurtrière dans laquelle plonge Martial à l’aide d’un « vieux Beretta, calibre 12, double canon et double détente » n’est pas sans rappeler, en d’autres circonstances, celle qui rythmait le film de Gus Van Sant, Elephant (2003).
Les procédés d’écriture économes mais visuels de Guéraud convoquent eux aussi l’art cinématographique de Bruno Dumont – pensons, par exemple, à La Vie de Jésus (1997) – et encore celui de Van Sant qui, pour justifier le titre du film précédemment cité, confiera ceci : « Elephant, c'est ce qui se voit comme le nez au milieu de la figure, mais ce que tout le monde souhaiterait bien occulter. »
Prix Sorcières 2007 dans la catégorie "Romans adolescents" et adapté en bande dessinée par Alfred Delcourt en 2009, Je mourrai pas gibier mérite toute notre attention au moment où la guerre déclenchée par les hygiénistes cache la souffrance psychologique d’une jeunesse en quête de repère.
Texte : MG – 3 janvier 2022.