Roger Facon, Bruxelles & Paris seront détruits
Roger Facon, "Bruxelles et Paris seront détruits - Ovnis Gloriae Mundi", Philippe Hugounenc Editeur, Paris, avril 2021.
« La détestation est consubstantielle au fonctionnement du genre humain.
Les gens d’une nation se détestent entre eux. Les nations se détestent entre elles. Et les nations se font la guerre depuis que le monde est monde. Comme les mondes qui nous ont précédés se sont fait la guerre et se sont asservis et détruits et réconciliés et détruits encore et encore. »
Roger Facon, Bruxelles et Paris seront détruits - Ovnis Gloriae Mundi, 2021.
A l’apéro, sous un ciel peint par le dérèglement climatique couvrant aussi le sol ukrainien, ma Nat déguste une bière sans Picon... mais avec un Facon. Ce soir, il s’agit du dernier roman vrai de not' Roger eurorégional, Bruxelles & Paris seront détruits, paru chez Philippe Hugounenc Editeur en avril 2021.
Derrière la première de couverture visuellement irréprochable, une citation de Pierre Petitfils extraite de son Verlaine (Julliard, 1981) résonne étrangement avec l’actualité : « A son retour, comme le collège allait rouvrir pour de bon, Arthur Rimbaud avait eu l’intention de vivre en ermite dans les bois et il l’aurait fait si l’insurrection de mars ne l’avait précipité à Paris, là où était sa place, parmi le peuple en armes. » Dites ce que vous voulez du personnage de Roger Facon, on ne pourra encore se défaire de l’idée que son regard et son oeuvre annoncent toujours les catastrophes à venir : la Fin de la Gloire du Monde pour certains ; la Fin des Temps pour les autres. Dans tous les cas, cha effraie not’ cat !
Un grand merci à Roger pour ses réguliers passages chez nous... et pour nous offrir le fruit de son écriture médiumnique prolifique.
Comme souvent, les histoires rocambolesques du romancier monchecourtois prennent racine non loin de chez nous. Et c’est dans notre espace vécu que d’ambigus personnages meurent de manière horrible et étrange. Si le roman plus haut cité s’ouvre sur le meurtre de deux artistes égorgés et énucléés à Wasmes (Colfontaine), commune belge située en région wallonne, l’enquête nous fait voyager de Bruxelles à Douai en passant par Quarouble et convoque évidemment pratique de l’ésotérisme et rencontre du troisième type, non venant d’« iel » mais du ciel !
La découverte le 8 janvier 2019 des corps de la comédienne Morgane Dedecker – éventrée pour y loger une vipère aspic, symbole d’immortalité et de renaissance – et de l’écrivain Martin Froleau, à qui on a cloué une chouette sur l’abdomen, sur l’ancien site minier de Marcasse horrifie le journaliste du service politique du Soir, Robert Fonteyne. Ses investigations pour dénicher l’auteur de ce double crime nécessitent que l’on revienne sur la pratique du somnambulisme magnétique – forme de spiritisme permettant d’interroger un médium se promenant dans le monde des esprits – et sur l’affaire Dewilde, ouvrier métallurgiste témoin de l’atterrissage d’un OVNI et de l’apparition de deux petits extraterrestres le 10 septembre 1954 vers 22h30.
Au travers d’histoires officielle et officieuse, on apprend que là où exerçait l’ancien prêcheur protestant et futur peintre Van Gogh, se cache à 5000 mètres de profondeur une « station » abritant des survivants de la planète Czzul’h détruite lors de la Première Guerre des Mondes qui amènent les humains à s’entretuer. Les petites créatures galactiques vues par Dewilde à Quarouble et ne s’adressant qu’aux médiums, seraient-elles venues pour nous prémunir des dangers qui condamnent notre bonne vieille Terre ?
« Dans une société ultra-matérialiste comme la nôtre, il n’y a pas énormément de place pour la spiritualité et encore moins pour les théories occultistes ou l’approche ésotérique. Livrer des armes à l’Egypte et l’Arabie Saoudite pour provoquer le chaos au Moyen-Orient ne soulève aucun problème de conscience chez nos gouvernants, mais imaginer que des réfugiés de Czzul’h puissent avoir entreposé dans des stations à 5000 mètres de profondeur de quoi faire sauter mille fois notre planète et puissent user de pouvoirs télépathiques pour nous placer sous influence sournoise et mortifère, alors là, pas question ! » (p. 111)
Au fil de l’enquête, qui soulève la découverte en décembre 1957 du paletot d’Arthur Rimbaud enfoui par les « hébergeurs », extraterrestres démoniaques arrivés sur notre planète depuis des dizaines de milliers d’années pour faire de la Terre un enfer, le narrateur surnommé Bob révèle la quête du poète maudit d’une loge composée d’alchimistes qui pourrait être le Cabaret-Vert de Charleroi, transmuté entièrement vers la fin du mois de septembre 1870.
Les mystères et les cadavres s’accumulent de page en page. Le meurtre d’une certaine Françoise Moroni (32 ans), retrouvée éventrée avec un renard entre les cuisses à Audin-Blécourt, conduit le journaliste à enquêter sur la crypte du mausolée Maujean datant du XVIIIe siècle au nord de nulle part comme dans On mourra tous américains (2010). C’est ici que s’arrête notre propos ; c’est là que commence la résolution de l’énigme.
Comme toujours, Roger Facon surprend le lecteur par de folles intrigues et des faits surnaturels. Si les personnages et les lieux réels ou imaginés sont récurrents dans le colossal oeuvre de notre camarade Roger – il a probablement publié plus de 45 romans à ce jour -, l’écriture automatique, en spirale et truffée de jeux de mots séduisent et régalent toujours.
Texte : MG, 15 juin 2022. Photos : MG, 18 juillet 2021.