Révélations mariales
MG, "Empreinte immaculée", tissus marouflés et peinture industrielle sur carton, 44 x 23 cm, février 1997.
Depuis près de 2000 ans, une femme attire tous les regards alors que personne ne connaît son véritable visage. Jeune fille, fille-mère, femme tutélaire ou guerrière, déesse dans le ciel comme sur terre, on la représente toujours telle qu’on aimerait la voir sinon l’avoir.
LUC l’aurait peinte, dit-on. Mon CUL ! Il n’existe, à ce jour, aucun portrait acheiropoïète de cette « reine du ciel » vêtue de bleu et de blanc.
Cependant, l’histoire des arts commandités par une Eglise plus soucieuse de politique que de spiritualité nous laisse des images sans cesse remodelées de cette femme choisie parmi tant d’autres ayant vécu dans une région du Levant alors occupée par les Romains. De la première représentation datant de 70 environ de cette Marie, mère d’un enfant devenu star planétaire – on n’oublie toujours la fratrie apocryphe qui suivit -, sur la falaise de Kong Wang Shan en Chine aux récentes revendications ultra-féministes s’appuyant sur le cantique activiste du Magnificat pour renverser un patriarcat maintenant trop gênant, très pesant, gnan-gnan-gnan, la Madonne est désormais l’une des icônes les plus criantes de notre misérable époque.
Là encore, nombreux sont les artistes qui, au travers des siècles, ont voulu donner une voix au Mystère. Mais Marie a reçu le Verbe de très haut sans broncher, ni répondre au plus bas. Les tentatives de tinter cette pénétration n’ont jamais trouvé le moindre fondement.
Oh, Marie, si tu savais, chante-t-on près du LiDL des Jaunes en gilet, reste l’impénétrable objet érotique de toutes les convoitises. Le sex-symbol d’avant Norma Jean ; la baby-doll moins procédurière que Billie Jean !
Petite Marie, les étoiles entre elles parlent de toi bien mieux que moi.
Aussi, revenons au commencement du mythe de cette déesse-mère, adaptation chrétienne d’une vénération déjà forte dans certaines anciennes cultures de la vallée de l’Indus.
Photos 1 et 2 : Vierges, plâtres datant des années 1950, haut. : 45 cm, coll. particulière, Aniche. Photo : objets commerciaux de dévotion mariale. A partir du milieu du XIXe siècle, l’image de Marie apparaît un peu partout en Europe aux enfants pauvres issus du peuple en leur disant qu’elle est l’Immaculée Conception. Dès lors, ce qui n’était qu’une doctrine devient un dogme. Si les mariophanies existaient auparavant, notamment lors de périodes marquées par des épidémies, les visions non de Marie la vierge mais de la Vierge, mère de Dieu, change la donne. En 1854, le dogme s’affirme au travers de ces visions surnaturelles mais aussi et surtout comme une réponse nécessaire aux inquiétudes politiques découlant de la Révolution française – elle-même mettra en scène une Marie-Anne. On assist
Dans une cave creusée dans le calcaire gris sur une terre aride maintes fois soufflée par les vents secs, l’Eve régénérée sans la moindre macule par Joachim et Anne est devenue Mariam, Notre Dame, que le monde détourné de son humanité aspirant à l’éternité salue encore par-delà ses biens et ses maux. Offrande au Temple, elle a parcouru l’Ecriture, les lois et l’histoire des Douze Tribus d’Israël tout en prononçant le vœu de virginité. Mais, le Saigneur, qui était avec elle, l’habitera sans qu’elle n’ait pu renoncer. L’avènement contre-nature fera d’elle une candide héroïne, une Vierge en Majesté.
Antérieur à l’acte et au temps, le génial Golem sans père mortel et sans assistance sociale va alors apparaître dans une vague caverne servant d’écurie à Bethléem près du juste, silencieux et vieux charron Rabanna Yosé, probablement descendant du Roi David et de quelques animaux. Ce soir-là, la Reine du ciel, libérée des accusations portées à Eve, avait délivré le Fils du rachat des hommes.
Jusqu’au Calvaire, Marie s’effacera au profit de la vie publique de son aîné, le grand agitateur politique de la Judée, dominion de l’Empire de Rome. Ce n’est que sur la colline du Golgotha qu’elle sera enfin au sommet d’elle-même. Au soir du crucifiement, la douleur remplaça l’espérance de la Pietà comme l’a éternellement gravée Michel-Ange à la fin du XVe siècle.
L’Immaculée dans sa conception, devenue vieille, connaîtra une mort sans deuil. Avant même que les Catholiques n’imposent le dogme de l’Assomption au travers d’envolées baroques et de codes chromatiques dominés par le bleu et le blanc, penchons-nous une dernière fois sur l’orthodoxe Dormition de cette drôle de dame, qui telle Diane – déesse de la chasteté – a été représentée posant sur un croissant de lune. De la Maestà - Vierge à l’Enfant – à la Pietà – Vierge de la Douleur - en passant par la Vierge tutélaire ou du rosaire, Marie, blanche ou noire de peau selon son intégration dans les populations locales trône maintenant sur tous les continents.
Texte : MG - 16 février 2025.