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Haruki Ishigaki, de la spécificité du contour

Publié le par MG

Je ne sais toujours pas ce qu'est devenu Haruki Ishigaki depuis le jour du vernissage de son exposition à la galerie Le Carré à Lille...

 

Le soir du 12 décembre 1997, alors que les premiers visiteurs déambulaient entre les quatre piles massives qui supportaient l'architecture de la galerie, Haruki et moi échangions nos impressions sur la manière dont ses shaped canvas (toiles à contours spécifiques) s'organisaient dans l'espace de monstration et sur la relation qu'entretenaient les formes des oeuvres entre elles. La lecture était évidemment plurielle puisque les combinaisons formelles et chromatiques des toiles étaient nombreuses. La disposition régulière des colonnes participait également à la cohérence de l'ensemble et offrait des champs de vision toujours différents selon que nous nous rapprochions ou nous éloignions des cimaises. Ainsi, le déploiement des monochromes d'Haruki Ishigaki invitaient les regardeurs à faire l'expérience de l'espace réel.

ISHIGAKI 002

J'avais rencontré Haruki quelques semaines auparavant, dans son atelier à Pantin. Diplômé de l'ENSBA de Paris, ce jeune japonais avait souhaité parfaire sa formation en présentant un mémoire d'Arts plastiques sur les « possibilités offertes à la peinture par l'extension vers l'espace ». En d'autres termes, Haruki avait déjà conceptualisé dans le cadre de ses études universitaires ce qu'il préparait pour la galerie Le Carré. Si l'individu, par sa réserve et ses moments d'absence, n'impressionnait pas, les toiles en cours d'élaboration attiraient toute l'attention. A l'époque, je faisais mes premières armes dans le monde de l'art en tant qu'assistant galeriste et guide-conférencier dans certains musées de la région. Cette visite d'atelier allait s'avérer nécessaire à ma compréhension de l'oeuvre d'Haruki et du Minimal Art en général.

 

On ne peut dissocier dans l'interprétation d'un travail l'aspect formel des éléments constitutifs. Les tableaux qu'Haruki présentés en ce mois de décembre 1997 étaient, pour la plupart, construits en deux ou trois parties sur des châssis de bois préparés séparément. Toute la difficulté résidait dans l'assemblage et le montage de ces pans : la pièce unique qui en résultait se dépliait non seulement sur le mur attenant mais aussi perpendiculairement à lui. Quelques boulons assuraient le maintien du polyptyque sur la cimaise et dans l'espace. J'assistais Haruki dans la mise en place de ses toiles dans la galerie. Hauteur, orientation, écarts entre les parties contribuaient à la composition, à l'arrangement pictural dans son ensemble. Rien ne devait gêner la perception de ces oeuvres à contours spécifiques, pas même leur épaisseur envisagée au même titre que la surface comme limite matérielle du territoire de la couleur.

ISHIGAKI 001

A l'instar de la réduction de la composition, l'économie de couleur n'avait d'autre objectif que d'accentuer la relation de la peinture avec l'espace environnant. Les surfaces courbes et colorées, mates et peintes à l'huile à la manière du all over ne conservaient plus que quelques traces nostalgiques de la peinture et de ses nuances. La lumière glissait sur elles sans rencontrer le moindre accident et notre regard parcourait les plis et déplis de ces majestueuses figures monochromes grenat, orange, jaune de chrome, vert olive ou terre de Sienne, dans l'espace de la déambulation. En se projettant vers l'avant pour mieux se suspendre à quelques centimètres du sol, les tableaux d'Haruki perdaient en frontalité pour gagner en sculpturalité. Et le volume rouge au centre de la galerie concrétisait déjà ce débordement vers la tridimensionnalité.

 

C'est au milieu de ces color fields épurés, tandis que la foule s'égarait dans le vertige de l'uniformité, que je vis, sans me rendre compte, pour la dernière fois Haruki Ishigaki.

 

MG - 16 juin 2010.

 

Photos de haut en bas :

- Vue d'ensemble de l'exposition Haruki Ishigaki, en hommage à Sota, du 12 décembre 1997 au 16 janvier 1998, galerie Le Carré, Lille.

- Haruki Ishigaki, Triptyque sans titre, 1997, huile sur toile, 209 x 140 x 101 cm.

 

 

 

 

 

 

 

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