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Jean-Pierre Nicol, "Joachim Beuckelaer - La Pourvoyeuse de légumes"

Publié le par MG

Joachim Beuckelaer, "La Pourvoyeuse de légumes", 1563, huile sur bois, 112 x 163 cm, musée des Beaux-Arts, Valenciennes.

Joachim Beuckelaer, "La Pourvoyeuse de légumes", 1563, huile sur bois, 112 x 163 cm, musée des Beaux-Arts, Valenciennes.

Dans un court et bel ouvrage publié chez Invenit éditions en 2011, Jean-Pierre Nicol met en scène un surprenant mais fictif épisode de la réalisation du tableau La Pourvoyeuse de légumes de Joachim Beuckelaer (1530-1573), aujourd'hui conservé au musée des Beaux-Arts de Valenciennes. Dans le contexte de la proche mise à sac d'Anvers par les Espagnols, l'auteur laisse un élève de ce maître du maniérisme flamand relater le travail de la matière d'un artiste du XVIe siècle et décrire en ces termes ladite composition picturale :

« Assise, à mi-corps, derrière un étal des mieux garni, présenté dans une perspective archaïque, où chaque fruit dans sa belle consistance avait sa correspondance charnelle, chaque légume sa symbolique, elle invitait au paysage. Et c'était, à la vue d'un enfant distrait par le spectacle, juché sur quelque cheval de trait, une petite scène galante célébrant crûment les gais ébats d'un couple dans les jardins, entre puits et brouette maraîchère, très à l'écart d'un clocher de village.[...]

Abondance de denrées maraîchères présentées dans toute leur vérité et leur relief. Choux et carottes, ces messagers d'Aphrodite. Noix, poires, confites en religion. Racine de panais, haricots, ail. Fraises et cerises parant jadis Marie, à présent associées aux élans de la chair. Cornichons, feuilles de raves, mûres. Raisins célébrant la Passion, le sang précieux. Abricots tendrement incurvés dont les mignonnes nous font tentation puis délices. Ou encore chou-fleur. Tout cela en grand désordre saisonnier, en grand brassage de saveurs, de liesses, d'ardeurs juvéniles, réclamant des palettes étendues, audacieuses et bien fournies. »

La narration de ce pan imaginaire de l'histoire de l'art septentrional et la description de cet extraordinaire étalage d'éléments issus de la terre illustrant cette horror vaqui caractéristique de la manière de Beuckelaer résonnent à la lecture telle une langue d'époque. Et ce charme désuet, cette écriture surannée dans laquelle vocabulaire et syntaxe sont habilement choisis tant pour leur musicalité que pour leur unité signifiante rappelle l'entreprise des peintres du XVIe siècle lorsqu'ils composaient des scènes de genre vivantes et symboliques.

 

A Laurence De Greef.

MG – 21 avril 2016.

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