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Immersion dans une société corse oubliée de la piève de Rostino en Castagniccia

Publié le par MG

Vignale - 30 avril 2018.

Vignale - 30 avril 2018.

Il suffit parfois d'un hasard pour rencontrer quelqu'un qui marquera de manière décisive notre conception de la vie et notre compréhension du monde. David Casanova est cet autre que l'on croise et dont nous savons d'emblée que sa présence, ses propos et son expérience nous enrichiront. A Taglio Isolacio, ce guide-conférencier n'a pas cherché à vendre un produit touristique ; au contraire, il a présenté avec retenue, une aventure à vivre à l'intérieur des terres en comité restreint, en mini bus et à pied. Le lendemain matin, David nous attendait pour nous faire découvrir sa région au cœur d'une Corse authentique.

 

Ce matin-là, nous sommes quatorze. David a anticipé en faisant appel à son ami Gilles, ex-flic baroudeur, arrivé avec son 4x4. Abord froid, démarche raide, Gilles impressionne d'entrée. Au fil de notre excursion, ce Parigot d'origine installé en Corse depuis des années se révèlera ouvert à toute conversation et enclin aux blagues et autres contrepèteries. Fin connaisseur de l'île, il nous apportera beaucoup au fil de notre pérégrination. L'aventure commence avec la poussière qu'on laisse derrière nous et se poursuivra en altitude, sur un sol rocailleux, schisteux et oublié de la convoitise des hommes. C'est un air sain qu'on respirera et une vie simple et naturelle qu'on contemplera.

 

Première étape : David nous arrête devant un pont génois reliant les deux rives du Golo à Ponte Novu. Corsica mea ! C'est là que les troupes de Pascal Paoli (1725-1807) composées de Corses indépendantistes et de mercenaires allemands ou suisses sont battues le 8 mai 1769 par les armées du roi Louis XV. De part et d'autre du sublime paysage qui se dresse, la bataille sur ce passage obligé vers Corte, capitale de la nation corse, marque la fin de la guerre pour l'indépendance obtenue en 1755. A la demande du Ministre des Beaux Arts, ce pont dit « en dos d'âne », sera inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.

Ponte Novu : lieu historique.
Ponte Novu : lieu historique.
Ponte Novu : lieu historique.
Ponte Novu : lieu historique.

Ponte Novu : lieu historique.

Plus haut, la visite de l'église de Frasso (Frassu en langue corse) nous enseigne la piété ancestrale et la volonté de quelques hommes de conserver un patrimoine authentique. Notre guide David nous ouvre la porte de ce petit édifice dans lequel la foi se révèle au travers des couleurs et des représentations couvrant murs et voûtes. Un petit tableau retiendra notre attention. Son sujet et sa facture montrent l'influence de l'art français. En effet, la toile accrochée dans une des chapelles rappelle sans conteste La Sainte Famille avec saint Jean et sainte Élisabeth dans un paysage peinte par Nicolas Poussin vers 1650 et aujourd'hui conservée au musée du Louvre.

Frassu et la conservation d'un patrimoine en montagne.
Frassu et la conservation d'un patrimoine en montagne.
Frassu et la conservation d'un patrimoine en montagne.
Frassu et la conservation d'un patrimoine en montagne.
Frassu et la conservation d'un patrimoine en montagne.
Frassu et la conservation d'un patrimoine en montagne.
Frassu et la conservation d'un patrimoine en montagne.
Frassu et la conservation d'un patrimoine en montagne.
Frassu et la conservation d'un patrimoine en montagne.

Frassu et la conservation d'un patrimoine en montagne.

Pastoreccia, ancien nom d'un village avant sa fusion en 1857 avec la commune voisine de Frasso a vu naître Dionisia Valentini, mère de Pascal Paoli. Nous découvrons à l'abrupt des montagnes, face à un paysage panoramique saisissant, de très anciennes aires de battage cerclées de pierres. La végétation environnante, point de départ du maquis, se compose de plantes médicinales dont l'Immortelle de Corse (helichrysum italicum), plante vivace utilisée en thérapeutique pour ses composés biochimiques permettant de calmer de vieux traumatismes. D'autres, telle la bruyère ou l'arbousier, nourrissent toujours les légendes ancestrales liées à la fertilité.

 

A proximité, la chapelle Saint-Thomas dite San Tumasgiu di Pastureccia est un édifice de style roman doté d'une nef unique et d'une abside semi-circulaire orientée. Des trous de boulins et des fenêtres meurtrières sont présentes sur chaque façade du bâtiment datant certainement de la fin du XVe siècle. A l'intérieur, les fresques présentes sur l'abside et une partie des murs représentent un Christ Pantocrator entouré d'anges et du Tétramorphe, l'Annonciation, Saint Michel terrassant le Dragon, des scènes de la Passion et le Jugement Dernier. Un lieu unique à l'abri des masses de touristes.

Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.
Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.
Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.
Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.
Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.
Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.
Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.
Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.
Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.
Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.
Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.
Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.
Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.
Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.
Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.
Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.
Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.
Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.

Pastoreccia, son paysage et la chapelle Saint-Thomas.

L'aventure se poursuit plus haut encore, en Haute-Corse. A Vignale, village occupé par moins de dix habitants depuis peu dont la grand-mère de David qui nous accueille, verre d'orangeade à la main face à un décor renversant. Agée de 86 ans, elle refuse toujours que l'on reste debout en sa présence et de quitter la maison familiale vieille d'au moins deux siècles pour descendre en ville avant l'arrivée de l'hiver comme le souhaiterait son petit-fils. Toute l'hospitalité et le maintien des traditions corses trouvent écho en ces hauteurs.

 

Derrière cette vaste propriété dont l'une des caves est restée d'origine et dont les murs refoulent l'odeur de la châtaigne, nous arpentons les rues étroites au milieu de vieilles pierres. Le site pittoresque, fort heureusement ombragé par les façades des éternelles bâtisses offre un voyage dans le temps. Dans le silence absolu, nous déambulons jusqu'à la propriété de l'abbé Anges Paul Vignali à qui le docteur Francesco Antommarchi aurait confié le pénis impérial de Napoléon. On raconte aussi que ce religieux aurait été assassiné à cet endroit en raison du secret qui entoure le décès le l'Empereur de tous les Français.

Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.
Vignale et la maison familiale de David Casanova.

Vignale et la maison familiale de David Casanova.

Encore à quelques centaines de mètres plus haut, à Bisinchi précisément, David nous convie à l'intérieur de l'église Saint-Michel dans laquelle chaque Vendredi Saint, pour le Vendredi Saint les fidèles revivent avec foi et ferveur la Passion du Christ à travers la procession de l'Incatinatu. Dans ce décor baroque, notre hôte nous montre la lourde croix, les chaînes et les clous qui permettent au pénitent anonyme de revivre le calvaire. Enfin, David entame en langue corse devant l'autel quelques chants à la gloire de Dieu et la célèbre chanson d'amour Furtunatu (Chanceux, en français). Le concert a cappella émeut ; nous voici maintenant sans voix.

Bisinchi et son église baroque.
Bisinchi et son église baroque.
Bisinchi et son église baroque.
Bisinchi et son église baroque.
Bisinchi et son église baroque.

Bisinchi et son église baroque.

David Casanova chante dans l'église Saint-Michel de Bisinchi - 30 avril 2018. Vidéo : Nathalie Pouille.

David Casanova chante dans l'église Saint-Michel de Bisinchi - 30 avril 2018. Vidéo : Nathalie Pouille.

Il est plus de midi. David et Gilles nous font redescendre au centre du village de Ponte Novu pour déguster quelques spécialités locales. A Memoria, établissement de restauration géré par toute la famille Casanova, l'on revit l'histoire insulaire et l'on s'intéresse aux recherches historiques menées aux alentours, à la volonté de préserver le patrimoine de la région autour d'une copieuse assiette de Pisticcina, de Fiadone ou de cannellonis au brocciu. Dans la salle d'exposition consacrée à la vie et l'oeuvre de Pascal Paoli, nous nous ressourçons avant de poursuivre notre périple corse.

Restaurant "A Memoria" à Ponte Novu.

Restaurant "A Memoria" à Ponte Novu.

A peine digéré, nous voici remontant l'histoire corse. Le trajet n'est guère de tout repos : ça monte et ça tourne. De temps à autre, quelques vaches sortent du ravin et ralentissent notre course. Arrivés à destination, David nous enseigne la géologie et la botanique au travers du maquis. Derrière une végétation défensive, il nous conduit vers un site archéologique majeur méconnu du grand public : l'église pisane Santa Maria di Riscamone datant du XIIe siècle. A proximité, quelques pans d'un gigantesque baptistère octogonal laissent apparaître des symboles sculptés mêlant paganisme et christianisme, nature et culture. Notre apprentissage se termine ainsi par la redécouverte d'une Corse oubliée, cachée dans le maquis qui précède l'invasion génoise.

L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.
L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.

L'église pisane Santa Maria di Riscamone et son baptistère.

Mes amis, Nathalie et moi ne saurons jamais remercier comme il le faut David Casanova pour tout ce qu'il nous a montré. Cette journée découverte interdisciplinaire, plurisensorielle, hors du temps, au cœur des montagnes, en plein maquis, nous a permis d'observer une Corse authentique que l'on voudrait égoïstement préserver et de comprendre comment se sont construits les premiers villages sur l'île de Beauté. 

 

A Isabelle et Christophe Tranain, à Nathalie Pouille et bien sûr à David Casanova - Texte et photos : MG : 30 avril 2018.

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