Si Serge Ottaviani m'était conté, j'aurais foutu tous les Dusart hors de la République !
Serge Ottaviani, invité des Rencontres culturelles, tient une conférence sur le fonctionnement de Wikipédia dans la salle de L'Idéal Cinéma Jacques-Tati d'Aniche - Photo : 14 octobre 2015.
Sa moustache blanche et ses 19000 contributions sur le Net suffisent à l'identifier. Il est aussi le plus grand des observateurs du Douaisis et l'Auberchicourtois d'origine italienne le plus connu du tissu associatif de l'Ostrevent. Ses relations riches et variées, son omniprésence aux événements locaux et ses photos circulant sur les réseaux sociaux témoignent de son engagement et de son soutien à une cause historique, culturelle, sociale. Détaché de toutes langues de bois venant de gauche comme de droite, Serge Ottaviani est un remarquable conteur passionné d'histoire qui défend le patrimoine, la mémoire collective et les affaires de toutes les cités du Nord-Pas-de-Calais. Un infaillible dévouement pour tous les habitants de notre espace vécu malheureusement incompris ou mal compris par le jeune journaliste Dylan Dusart de la Voix du Nord.
Ce 29 juillet 2018, soit 137 ans après la promulgation en France de la Loi sur la liberté de la presse, la Voix du Nord s'octroie le droit de titrer sa page 10 « Serge Ottaviani, le serial imposteur de Wikipédia » et d'ouvrir un article qualifiant le célèbre wikipédien de « roi du canular ». Dusart, l'auteur de cet article, pense avoir flairé un filon en s'attachant à vérifier la source d'une des plus célèbres légendes urbaines relative à la venue de Bonaparte à Aniche. Ce qu'ignore Dusart, c'est que le premier fouineur à s'être interrogé et à vérifier la véracité des contenus de la rubrique « Culture et patrimoine » de la page « Aniche » de l'encyclopédie numérique n'est autre que moi. J'ai d'ailleurs recadré à plusieurs reprises les découvertes historiques de Serge Ottaviani tant sur Facebook que dans un ouvrage consacré à l'histoire de la place Faidherbe d'Aniche. C'est pourquoi, je peux mieux que lui, défendre les efforts de notre ami Serge.
Article de Dylan Dusart - "La Voix du Nord", 28 juillet 2018. Version numérique.
Evidemment, peu importe de savoir qui, le premier, a cherché la vérité historique des légendes anichoises ou d'ailleurs. L'essentiel est d'appréhender la démarche, somme toute rationnelle et humaine, de Serge qui, pour reprendre le slogan de Marc Bloch dans son Apologie pour l'histoire ou métier d'historien (1941), cherche à « comprendre le présent par le passé et le passé par le présent ». Dusart, apprenti chercheur, n'a perçu que la partie émergée de l'iceberg. Derrière les lignes de Serge Ottaviani, il y a la Guerre des Gaules de Jules César, le style flamboyant et exaltant de Jules Michelet, l'alchimie des vers patoisants de Jean-Baptiste Bourlon, créateur du plus remarquable géant de nos contrées.
Mais ce n'est ni Dylan Dusart, ni un autre trublion que moi-même qui oserait rappeler les plus belles impostures de l'histoire tant nationale que locale. Dusart oublie que chaque historien tend toujours à mettre en valeur les qualités sinon le génie de ses concitoyens, de son peuple dans ses écrits. César a glorifié les exploits de ses soldats, Michelet devenu directeur des archives nationales françaises a ressuscité les morts tout en donnant sens aux différentes destinées humaines et Bourlon a quasiment déifié l'existence d'un inconnu d'Auberchicourt pour en faire le plus grand représentant de la commune d'Aniche. Serge s'est documenté sur une multitude de sujets avant d'établir par écrit une vérité parmi d'autres. C'est pourquoi, nous pouvons saluer le souci de Serge Ottaviani d'avoir eu recours aux archives pour mettre en lumière des problématiques à la fois historiques et sociétales.
Le 4 février 2015, à l'issue de ma première conférence dans la salle de l'Idéal Cinéma Jacques-Tati d'Aniche, un homme à la moustache déjà grisonnante s'avance vers moi et me tend sa carte de visite sur laquelle je lis avec surprise « Serge Ottaviani wikipédien ». A cette époque, j'ignore tout du fonctionnement de Wikipédia. Par la suite, je découvre le combat de Serge pour rappeler par exemple à la mémoire collective les noms de ceux que l'on a injustement enterrés suite à des catastrophes minières non reconnues. Très vite je me rends compte que l'ex-métreur, responsable administratif, gérant, consultant, directeur d’exploitation, cadre commercial profite de sa retraite professionnelle pour faire de nos existences des actes inoubliables. Et puis, comme chacun sait, l'homme au grand cœur enrichit à des dates symboliques les fonds des bibliothèques comme la médiathèque Norbert-Ségard d'Aniche de plusieurs ouvrages du méhariste Léon Lehuraux dont plusieurs dédicacés par l'auteur lui-même le jour du 60e anniversaire de la mort de cette très grande figure anichoise.
Cartes de visite de Serge Ottavviani.
Il est clair que Serge Ottaviani désoriente ses interlocuteurs par son réseau de connaissances, ses savoirs et savoir-faire. Alors que la culture se meurt à Aniche et dans la plus grande indifférence des élus de la cité de Kopierre, Serge programme sans la moindre difficulté la venue de la célèbre vitrailliste Judith Debruyne, du clown-gastronome Yannick Hornez ou encore de la comédienne Valérie Bonneton qui préfacera aussi son livre le plus connu La Fantastique aventure de l'Idéal Cinéma - mémoire ouvrière et alchimie à Aniche. A ce jour, Serge est co-auteur avec Roger Facon de quatre ouvrages de référence traitant encore et toujours d'histoire locale certes romancée. Et alors ? N'appartient-il pas au lecteur de vérifier ce qu'il apprend ?
A l'heure où la méthode historique consiste à créer des idoles politiques et chronologiques, Serge propose implicitement de remettre les gens à leur juste place et de nous intéresser à la société et aux phénomènes qui participent à l'écriture de l'histoire des gens, des petites communes, des industries fleurons d'hier mais effacées du paysage local sans pour autant faire continuellement de l'histoire historisante et événementielle. Son écriture résulte d'une véritable lutte sur le terrain en faveur des oubliés. Lisez, Dylan Dusart, ce que Serge a réveillé à la conscience de tous, ce qui avait été mis sous terre dans le plus grand silence durant des décennies !
Et puis, il y a aussi tout ce que l'on ignore et qui pourrait relever de la coïncidence. Serge Ottaviani a ceci d'exceptionnel d'être souvent là au bon moment. Ses innombrables déplacements l'ont conduit dans plus de 50 pays. Mais ses survols de Manhattan ou des Chutes du Niagara, son aventure auprès des Masaï, ses périples à bord du Queen Elisabeth ou sous les débris de la navette Columbia, ses déambulations sur la place du Kremlin à Moscou au moment où Boris Nemtsov, opposant à Vladimir Poutine, se fait assassiner, sont ignorés de tous puisque Serge ne relate que l'histoire et la contemporanéité des événements se produisant près de chez nous.
Comme Dylan Dusart, j'ai été idiot lors de ma première rencontre avec Serge Ottaviani. J'ignorais le greeter agréé par le département et le groupe Accord qu'il est manifestement. Et ses actions bénévoles au service de tous méritent une pleine reconnaissance. Un salut, vrai et sincère. Une envie d'aller au devant pour mieux partager les savoirs. Serge est un catalyseur, un révélateur, un provocateur de pensées. L'entreprise automobile SECMA produisant et vendant 30 000 véhicules à travers le monde n'est plus ignorée des Anichois depuis les reportages de Serge. L'Idéal Cinéma d'Aniche figure dans le Guinness World Records !
Serge Ottaviani fait découvrir le patrimoine d'Aniche - Photos : 8 août 2015.
Serge Ottaviani fait de l'histoire en la vivant, en la partageant, en l'écrivant tout en rappelant ses interlocuteurs, ses lecteurs et surtout la jeunesse qu'il n'hésite jamais à rencontrer des risques que présente la vulgarisation de l'information. Lui qui (et non wiki) s'est laissé prendre en photo en 1971 alors qu'il étudiait au lycée Pasteur de Hénin-Beaumont, n'a jamais refusé de sensibiliser mes élèves à la fiabilité des contenus de Wikipédia. Au contraire, la direction, le personnel et les apprenants se sont montrés très curieux à l'issue de sa première intervention le 10 décembre 2015. Depuis on parle toujours de cet avion de chasse français qui reposait dans la cour de l'établissement.
Aujourd'hui, les initiatives de Serge bousculent les esprits et c'est tant mieux de savoir que l'on cherche enfin à comprendre l'histoire. J'ai passé suffisamment de temps à vouloir contrer les propos de Serge Ottaviani pour reconnaître nos erreurs. Oui Bonaparte est passé à Aniche. Il est possible que Van Gogh ait traversé Aniche pour se rendre à Courrières. Même Bruno Wouters, journaliste à la Voix du Nord a tenu une conférence sur ce sujet. Et pour chaque événement historique, chaque personnalité mentionnés sur la page Wikipédia « Aniche », les témoignages et les références citées sont quasiment indémontables. Que dira-t-on le jour où Michel Meurdesoif, maire honoraire d'Aniche, éminent linguiste et véritable historien social, publiera le roman dans lequel il est question du passage de Rubens à Aniche ?
Et Louis Pasteur (1822-1895) ? Nommé Doyen de la toute récente Faculté des Sciences de Lille en 1854, il entreprend des recherches sur les fermentations en relation avec le monde industriel local. Avant même qu'il ne publie en août 1857 ses résultats sur la fermentation lactique à la Société des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille, il semblerait que Pasteur soit venu à Aniche, « très certainement à la Verrerie d'En-Haut » avance René Diverchy, ancien directeur régional des Vitrages de Saint-Gobain à Courbevoie et actuel président de l'association des Amis du Centre de Mémoire de la Verrerie d'En-Haut, puisque dans le tome VII des « Oeuvres de Pasteur réunies par Pasteur Vallery-Radot » (1922-1939), il est question « de fabrication de soude et d'acide ». En effet, il existait depuis 1846 à Aniche, une fabrique de sulfate de soude et d'acide sulfurique reconnaissable sur les photos à sa cheminée haute de 75 mètres (la plus haute de France à l'époque).
Depuis l'éventuel passage de Jules César vers -55 sur le territoire qui donnera naissance à Aniche, l'ancienne capitale française du verre a vu naître sur ses terres des enfants qui, comme Raymond Bastin, ce professeur ayant soigné le président Georges Pompidou et récemment décédé dans sa 105e année ou encore Martine Renier, femme pilote aux 24 heures du Mans en 1974 et 1976, née à Aniche, arrière petite-fille de Désiré-Joseph Renier, souffleur de verre à la Verrerie Saint Martin d'Aniche et fille de Maurice Rénier, alors directeur de la même verrerie devenue Corning France Aniche sont aujourd'hui connus de tous grâce à Serge. En définitive, Dylan, vous êtes de ces journalistes de La Voix du Nord dont les lecteurs doivent être préalablement avertis de ce que vous répandez à tort.1 Non seulement nous reconnaissons le travail de Serge, âme de l'ombre qui éclaire notre existence mais nous lui devons plus que vous ne pensez à savoir la fabrique de notre histoire.
1. Dans l'édition du dimanche 14 et lundi 15 novembre 1965, la Voix du Nord diffusait l'article "Voici près de 160 ans, l'Empereur Napoléon venait à Aniche remettre à un notable la Légion d'Honneur" dans lequel un journaliste s'était vu accordé une entrevue avec Mademoiselle Leroy, propriétaire d'une maison située dans la rue Barbusse. Les divagations apportées par cet article participent à la création d'une des plus célèbres légendes urbaines d'Aniche. Didier Delrot, alors président de la Société d'Histoire d'Aniche démontrera, archives à l'appui, que Napoléon n'est jamais entré dans cette bâtisse, ni remis cette distinction au notable Lanvin. Aujourd'hui, cet article de la Voix du Nord est une référence locale en matière de canular.
Texte : MG, 29 juillet 2018.
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Photographie datant de 1971 et montrant la promotion des techniciens en étude de prix avec leur professeur M. Desorgher (métreur indépendant) dans la cour du lycée Pasteur de Hénin-Beaumont. Photo en couleur : Intervention de Serge Ottaviani auprès du public scolaire du lycée Pasteur de Hénin-Beaumont sur la vérification des sources émanant de Wikipédia, le 10 décembre 2015.