Eddy Pamart, entre feria et fiesta

Aussi loin que remontent mes souvenirs, la musique a toujours rythmé l'existence d'Eddy Pamart, mon pote de la rue Kopierre à Aniche. D'abord, parce que sa famille est mélomane. Il semblerait que chez les Pamart, l'enfant apprenne à jouer d'un instrument avant même de faire ses premiers pas. Aujourd'hui encore, son père Ghislain consacre une bonne partie de son temps à insuffler une dynamique à l'association anichoise Country Line Dance et sa sœur Suzy mène à la baguette l'Harmonie des Mineurs d'Auberchicourt. Ensuite, parce que, contrairement aux pré-ados fans de la daube commerciale du moment, le jeune Eddy s'intéressait aux origines du rock'n'roll. Il fallait voir le p'tit en boum de voisinage imposer ses 45 tours datant des années 1960 entre deux morceaux de Germaine Jackson et Pia Zadora et Ottawan. A cette époque, pour contenter tout le monde, il acceptait de danser sur les tubes des Forbans. Enfin, parce que musique et fête sont indissociables dans l'esprit de celui qui ne cesse de rappeler que « la fête, c'est la vie : tout Eddy » !

Comme l'avait fait son père pour lui, Eddy devenu père à son tour a transmis l'héritage culturel à ses deux filles. Que l'on soit en voiture ou à la maison, les plus grands succès d'Eddy Mitchell, par exemple, passent en boucle pour le plus grand plaisir de Lisa et de sa sœur Lucille, qui connaissent les paroles par cœur. Au fait, les prénoms des filles résonnent : Lisa nous renvoie à l'unique progéniture d'Elvis Presley et de Priscilla Wagner Beaulieu et la cadette, au fameux titre de Little Richard : « Lucille, you won't you do your sister's will, Lucille, you won't you do your sister's will »... Tout est rock chez « Eddy B. Goode ». Tout se joue en musique, en famille, du matin jusque tard dans la nuit.

Cette passion musicale inscrite dans le patrimoine génétique des Pamart a nécessité quelques aménagements tant dans la maison que dans l'emploi du temps de toute la famille. Christelle, qui s'est engagée à vivre aux côtés sonores d'Eddy, y est aussi pour beaucoup. Déjà, le soir du « oui » qui scelle le couple, Christelle voyant Michel Brasseur et son groupe Smooth & the Bully Boys « allumer le feu » devant les yeux médusés des convives, avait compris que sa vie à venir serait rock'n'roll ! Aujourd'hui, une salle de musique dans laquelle les objets et les disques témoignent d'une existence sans bémol, permet au couple et aux enfants de se poser entre deux salves.

Une fois sortie des sillons vinyliques, la famille Pamart reprend la ligne droite des routes landaises qui mènent aux villes et villages ayant passé un contrat avec les deux bandas dans lesquelles elle s'investit. Tantôt, les Pamart jouent « fort et vite » avec La Juventud ; tantôt les filles défilent avec une plus grande rigueur partitionnelle au sein des Divinos. Dans tous les cas, « détendez-vous ; ça va bien se passer », scande à tue-tête Eddy B. Goode. « On est mieux ici qu'à Alcatrasss ! » Et quand l'air de Vino griego se termine, ouvrant ainsi la plupart des ferias landaises, le tintement des verres de bière ou de Ricard s'ajoute à l'euphorie des musiciens s'abandonnant à l'ivresse et la liesse populaires.

« La feria, c'est un état d'esprit. C'est mon état d'esprit », confie Eddy. Pour l'ex-Anichois devenu plus landais que les Landais, l'histoire et la culture de l'ancien pays de Gascogne n'ont plus de secret. Fier d'arborer les couleurs jaune et noir de sa ville d'adoption, Mont-de-Marsan est dans son cœur. La légende dit que lors de la feria de Dax, seul Eddy noue à son cou le foulard bleu des Montois. Quant aux fêtes de la Madeleine, période de réjouissances collectives organisées chaque année en juillet par la Régie Municipale des Fêtes et Animations pour le compte de la ville de Mont-de-Marsan, la radio France Bleue Gascogne témoigne de l'ambiance communautaire qui règne chez les Pamart durant cinq jours !

La popularité d'Eddy est telle que tous les tenanciers de bars le connaissent. A chaque détour de rue, l'invitation à boire un verre devient la garantie de l'amitié. Tout est, par ailleurs, prétexte à s'accouder sur le zinc avant de plonger son nez dans le pot. Hors feria, la devise est la même : « Boire, baiser, bouffer, banda. Et quand les 4 B sont réunis, c'est que du bonheur ! » Aussi, Eddy partage sa table avec tous ceux qu'il aime et ceux qui l'aiment. Avec son pote Michel, il remplit les assiettes de carcasses de canard ou de cuisses de chapons élevés naturellement. Les spécialités locales sont évidemment accompagnées de grands vins dont ceux du Château Coutet.

On mange, on chante, on rit surtout quand son grand ami Pedro Delgado sort la trompette. A l'unisson, chez lui comme dans la ville de Mont-de-Marsan dont Eddy détient la clé – eh oui ! -, on entonne à l'unisson ces quelques vers : « Eddy Pamart / Eddy Pamart / Il va se coucher très tard / C'est un grand soûlard / notre ami Pamart / Il va se coucher très tard ! » Chaque soir, chaque nuit, le monde est à refaire sans le moindre stress car, insiste Eddy, « le stress conduit au cancer ». Et quand on a bien mangé et bien bu, on joue au Mölkky avant de se jeter à poil dans la piscine. « Détendez-vous, ça va bien s'passer », nous (r)assure Eddy B. Goode.

Eddy, c'est toute la musique que l'on aime, celle qui vient du blues. Eddy, c'est une vie de partage, de ripaille, de jeu, d'insouciance. Porté par le vent, il ne marche que sur les airs festifs et populaires. Rien ne l'arrête quand il décide de retenir la nuit. Aussi vit-il au diapason de son cœur, sans fausses notes, sur une partition qu'il a écrit enfant. « Dans ma tête », avoue-t-il, « j'ai 17 ans ». L'enfant d'Aniche ne grandira donc jamais et c'est tant mieux. Mon copain d'enfance est resté lui-même. Avec sa femme Christelle et leurs deux enfants, il parcourt les sentiers d'une existence authentique, simple et entière. Aussi, « go, go / Go Eddy go go / Eddy B. Goode » !

MG - 4 septembre 2018. A toute la famille Pamart et à Nathalie Pouille.