Le marché d’Aniche d’hier et d’aujourd’hui

L’origine du marché hebdomadaire au centre de la commune d’Aniche (59580) remonte au 7 mars 1849. A compter de cette date, les marchands ambulants vont prendre l'habitude d'exposer leurs produits chaque vendredi à proximité de la petite église Saint-Martin alors en pleine reconstruction et réorientation (1859). L’explosion démographique qu’engendre le développement des verreries, l’arrivée du chemin de fer puis celle du tramway conduisant toujours plus de voyageurs et l’étroitesse de la parcelle publique encore couverte d’herbes sur laquelle les étals s’entassent chaque fin de semaine contraignent la municipalité à racheter les habitations et les jardins qui obstruent l’endroit. Pour palier ce manque d’espace, on élargit et on rationalise progressivement le coeur de la cité verrière.

La fréquentation du marché du vendredi est si importante que les élus songent à faire tenir un second marché le mardi. N’oublions pas qu’à cette époque, la conservation des aliments est limitée dans le temps. Aussi, faut-il sans cesse renouveler ses victuailles, se réapprovisionner en produits frais. Bien que souhaitée, l'idée de mettre en place deux marchés par semaine n'est pas retenue. En 1876 naît la « place du marché » délimitée par de nouvelles bâtisses, de nouveaux commerces et un hôtel de ville (1874).

Pour éviter toute anarchie, l’alignement, la hauteur et l’ordonnance des façades répondent désormais à un vaste plan urbanistique d’ensemble défini par un arrêté municipal datant de juillet 1886. En face comme sur l’un des côtés de l’église, toutes les maisons possèdent un étage et sont reliées entre elles. Sur le côté pair, certains commerces marqueront l’esprit de plusieurs générations : le café-hôtel Boivin, la pharmacie Loyer-Nicodème, les banques Crédit du Nord et Dupont, le café Quévy puis « Café de la Jeunesse », etc.

La place du marché devient la place de la Mairie le 9 août 1888 puis la place Jean-Jaurès le 23 juillet 1919. Les derniers aménagements se terminent en 1891 avec le pavage de trottoirs et la pose de caniveaux. Durant tout le XXe siècle, le marché connaît un vif succès : les mères de famille s’y rendent pour faire le plein de denrées mais aussi pour acheter des vêtements aux enfants que l’école prend désormais en charge. Les cafetiers et les commerçants de la place profitent aussi de cette journée pour augmenter leur chiffre d’affaires.

Cette dynamique commerciale s’essouffle peu à peu avec l’implantation de supermarchés et de distributeurs hard discount à Aniche et autour d’Aniche et avec le développement de l’e-commerce rendu possible grâce à la démocratisation de l’Internet dès les premières années 2000. Si le marché a fait l’objet de plusieurs déplacements ponctuels ou bi-annuels conduisant à des grèves, notamment durant l’été 1965, ceux des années 2014-2016 portent le coup de grâce.

En raison des travaux d’aménagement de la place Jaurès en vue de permettre le passage du BHNS (Bus à Haut Niveau de Service), le marché se tient d'abord sur la place Fogt. La restructuration de celle-ci éloigne encore le marché du centre-ville qui s'installe dans la rue du 1er-Mai. En 2016, on convient de le situer définitivement sur la récente esplanade Charles-de-Gaulle. Depuis ces successives délocalisations, la fréquentation ne cesse de chuter entraînant avec elle la réduction du nombre d’artisans commerçants non sédentaires participant à ce qui fut jadis l'un des marchés les plus attrayants du Douaisis.

Depuis peu, un nouveau commerçant entend redonner du souffle au marché excentré mais dont l’histoire et l’économie doivent rester prioritaires pour la qualité de vie et l’attractivité de la commune. Passionné et passionnant, Christophe Salah alias Chef Christophe.s étale chaque vendredi matin son stand de charcuteries de qualité en provenance d’Espagne, d’Auvergne ou de Savoie pour le palais des gourmets et des gourmands. Selon cet ex-cuistot du restaurant 4 étoiles La Terrasse de Douai, seul le lien social peut relancer le marché de la cité de Kopierre. Aussi propose-t-il aux badauds un petit-déjeuner à très bas prix composé d’un café, d’un croissant et d’un jus d’orange frais.

Convaincu de la nécessité tant de fidéliser que de surprendre la clientèle, il développe également des opérations commerciales alléchantes : assiette de jambon Serrano pour deux personnes à 5 euros, plateau « raclette » pour l’arrivée de l’hiver ou actions impliquant plusieurs commerçants. Entre temps, Chef Christophe.s invite à la dégustation, conseille le consommateur et révèle quelques astuces de cuisine. L’avenir nous dira si cette motivation et ces initiatives redonneront une âme au rendez-vous commercial hebdomadaire de la ville d’Aniche.

Texte : MG - 15 septembre 2019.