Aniche commémore le 80e anniversaire de la disparition de Jules Domisse
Invités par la section du Parti Communiste Français d’Aniche, les militants politiques et/ou syndicalistes, les familles Poulain et Lutas, le Conseiller départemental du Nord Charles Beauchamp et des représentants de la municipalité et de l’association locale Charles de Gaulle se sont rassemblés en ce dimanche matin du 26 septembre 2021, rue Wambrouck, devant le buste de Jules Domisse (1899-1941) pour célébrer le 80e anniversaire de sa tragique disparition.
80e anniversaire de la disparition du maire communiste Jules Domisse (1899-1941) à Aniche.
La cérémonie en hommage à cet ancien maire communiste d’Aniche fusillé par les Nazis s’est ouverte avec le discours de rappels historiques de Michel Meurdesoif, maire honoraire et conseiller municipal d’opposition. Petit-fils de Jules Domisse, Patrick Poulain a rapporté des souvenirs poignants et émouvants de son grand-père mort pour ses idées. Député de la 16e circonscription du Nord, Alain Bruneel s’est également exprimé sur les douloureux faits passés sans omettre les affres de l’actualité sociale et économique.
Après le dépôt de gerbe au pied du buste de Domisse et de la minute de silence observée, la diffusion du Chant des Partisans, de La Marseillaise puis de l’Internationale a clos la cérémonie du souvenir.
Texte et photos : MG – 26 septembre 2021.
Michel Meurdesoif s'exprimant lors du 80e anniversaire de la disparition du maire communiste Jules Domisse (1899-1941) à Aniche.
- Discours de Michel Meurdesoif, maire honoraire et conseiller municipal d’opposition à Aniche :
A l’heure où nous honorons la mémoire de Jules Domisse, me reviennent des souvenirs de l’école primaire. Notre livre d’histoire nous offrait des récits, souvent utilisés comme supports de leçons de morale, agrémentés d’illustrations destinées à marquer les esprits. Ma génération conserve ces images : le Grand Ferret, Jeanne Hachette, Joseph Bara…
On sortait de la guerre et il n’était pas inutile de présenter des personnages symbolisant la résistance de notre peuple et de notre république.
En 1991, il nous fallait célébrer le 50e anniversaire de la mort de Jules Domisse. Il fallait pour cette occasion lui redonner un visage. La tâche confiée à Georges Hugot consistait à créer un buste – donc en trois dimensions – à partir de quelques photos. Désormais, l’image de Jules Domisse devenait concrète. Son humanité était visible et parfois palpable quand des visiteurs lui caressent le visage.
On mesure encore mieux l’atrocité de ce qu’il a subi. En 1941, Jules Domisse est un homme pauvre, s’efforçant d’apporter de quoi nourrir sa famille. Déchu de ses fonctions de maire pour avoir refusé de condamner le pacte de non-agression germano-soviétique, par ceux-là même qui avaient signé avec la Grande-Bretagne, Hitler et Mussolini, les accords de Munich, autorisant l’Allemagne nazie à occuper et faire disparaître la Tchécoslovaquie, Jules a aussi été licencié.
Il a 42 ans et, depuis qu’il est adulte, il n’a cessé de défendre les plus faibles, à renforcer les liens de solidarité, à éduquer par l’exemple de sa vie militante.
Le Front Populaire a vécu. Le Parti Communiste est devenu illégal, ses militants menacés de la peine de mort par le socialiste Sérol. L’Humanité est empêchée de paraître. Il faut continuer à faire vivre le Parti Communiste dans la clandestinité. C’est ce à quoi Jules Domisse va s’attacher avec Martha Desrumaux, Eusébio Ferrari, les fils d’Henri Martel, Paul Chantreau…
Malgré les dangers, il ne s’est jamais caché, ne voyant pas ce qu’on pourrait lui reprocher.
L’arrestation massive de militants communistes et syndicalistes répond à la volonté de créer un climat de terreur. L’occupant a besoin de la force de travail des ouvriers du Nord-Pas-de-Calais pour subvenir aux besoins de l’industrie de guerre. Les mouvements de grève se sont multipliés et les condamnations s’enchaînent. L’occupant doit accentuer sa pression en raflant des personnalités reconnues, en tant qu’otages. C’est l’indice qui souligne que la Résistance marque des points.
Jules Domisse correspond à ce que recherche l’occupant : une figure locale et reconnue, pour frapper les esprits. Il en sera de même avec ses compagnons : d’anciens maires, des élus et des syndicalistes influents.
Le 26 septembre 1941, selon les archives météorologiques, il faisait frais. Face à un peloton de jeunes soldats, sans doute fils de travailleurs des champs ou de petits commerçants allemands, les otages tombent par groupes. Le Commandant Niehof pensait éteindre l’incendie mais il ne réussit qu’à raviver les braises.
Devant le buste de Jules Domisse, visage permanent du peuple qui dit « non », nous rendons hommage à tous ceux, parfois restés anonymes, qui ont pris comme lui le Chemin de l’Honneur.
Nous n’avons pas l’insolence de nous identifier à eux ; nous appartenons simplement à la même famille.
Chacun de nous meurt deux fois : d’abord quand la vie quitte son corps, puis quand on l’oublie.
Votre présence ce matin, montre que le souvenir de Jules Domisse et de ses camarades ne peut pas, ne doit pas s’éteindre.
Alain Bruneel s'exprimant lors du 80e anniversaire de la disparition du maire communiste Jules Domisse (1899-1941) à Aniche.
- Discours d’Alain Bruneel, député de la 16e circonscription du Nord :
Il était communiste.
Il était syndicaliste.
Il était fils de mineur.
Il était de tous les combats.
Jusqu’à sa vie qu’il a donnée pour la France, malgré les souffrances, les tortures, Jules Domisse n’a jamais cessé de résister.
Arrêté à son domicile, rue Carnot, près d’ici, Jules est mort fusillé sans avoir donné les noms de ses camarades. Il voulait mourir pour une France libre et un monde meilleur. Ses camarades ont pu, par la suite, vaincre le nazisme et mettre en œuvre le programme des Jours Heureux, construire des avancées sociales sans précédents, à l’image de la Sécurité sociale.
Sa vie nous invite à nous rassembler, à lutter, à croire en l’être humain, en sa capacité de prendre sa vie en main, à rester digne, à rester debout.
Debout, d’abord face au fascisme et face aux guerres portées par le capitalisme.
Debout, auprès de notre jeunesse, qui s’engage, qui manifeste et remet en cause toutes les logiques de domination.
Debout, auprès des travailleurs, qui souhaitent un nouveau modèle économique.
Debout, auprès des plus fragiles, des privés d’emploi, des femmes et des hommes qui subissent un monde en crise permanente.
Jules était d’ailleurs, avec Martha Desrumaux, l’un des exemples les plus significatifs de l’implication des élus communistes dans leur combat contre le chômage, lié à la crise économique des années 1930, avec la création des comités de sans-travail. Ils ont été à l’origine des avancées sociales votées après guerre.
Homme de paix, Jules croyait en l’humanité, car quelle que soit notre couleur de peau, notre religion, notre origine, nos différences sont une richesse, une force.
Notre présence aujourd’hui ne doit pas être réduite au devoir de mémoire. Arrêtons de regarder le passé avec nostalgie.
Jules et les résistants ont payé de leur vie pour nos libertés.
Ils nous laissent l’héritage de la sincérité, de la fragilité, de la simplicité, de la force, de la résistance. Mais surtout celui du possible.
La classe ouvrière est une force mais elle en a perdu conscience.
La guerre idéologique fait rage, laissant s’installer l’isolement, le chacun-pour-soi, les doutes.
Les foyers de résistance s’organisent mais n’arrivent pas à rassembler. Les masses populaires ne s’emparent plus des idées alternatives.
Jules nous dirait sûrement, « on ne baisse pas les bras, car dans la vie rien n’est figé ». Il nous inviterait aussi à créer des carnets de liaison avec les citoyens pour emprunter le chemin du possible.
Battons-nous. Mobilisons-nous.
A notre tour d’aller chercher les jours heureux.