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Ecaillon : à propos du camp d’internement de travailleurs ukrainiens (1942-1945)

Publié le par MG

Ecaillon, cité Vuillemin, Place T - Photo : Christophe Delille, 2021.

Ecaillon, cité Vuillemin, Place T - Photo : Christophe Delille, 2021.

Ce vendredi 7 avril après-midi à Ecaillon (59176), s’est tenu le premier marché bimensuel sur la place T du quartier Vuillemin, nom du directeur et gérant commanditaire de la Compagnie des mines d’Aniche dans la seconde moitié du XIXe siècle. Emile Vuillemin (1822-1902) est également resté, tant dans l’histoire locale que nationale, suite à l’attentat, qui le blessa, commis le 4 août 1895 devant l’église d’Auberchicourt par Clément Décout.

Si l’on sait que dans cet actuel quartier Vuillemin, là où se situe la cité des Arbrisseaux, s’étalait de 1945 à 1948 un camp de prisonniers de guerre (PdG) allemands, beaucoup ignorent ou refusent d’admettre que cet endroit fut aussi, de 1942 à 1945, un lieu d’internement de travailleurs forcés venus d’Ukraine. Depuis la guerre russo-ukrainienne dans laquelle s’est engagée la France via les décisions militaro-financières prises par l’OTAN et l’Union européenne, les timides sociétés d’histoire locale préfèrent ne pas faire de vague.

Pourtant, plutôt que d’être politiquement corrects, les amateurs d’histoire de notre territoire feraient mieux de s’intéresser à cet épisode de la Seconde Guerre mondiale, qui transparaît dans les récents propos de Vladimir Poutine : « Moscou doit dénazifier l’État ukrainien. » Rappelons encore l’existence et la participation depuis fin 2013 de néonazis - la brigade Azov (Бригада Азов), par exemple - au conflit se déroulant dans l’Ukraine orientale à l’encontre des populations russophones et/ou russophiles.

Archives locales évoquant le camp d'internement de travailleurs ukrainiens à Ecaillon durant la Seconde Guerre mondiale.Archives locales évoquant le camp d'internement de travailleurs ukrainiens à Ecaillon durant la Seconde Guerre mondiale.Archives locales évoquant le camp d'internement de travailleurs ukrainiens à Ecaillon durant la Seconde Guerre mondiale.
Archives locales évoquant le camp d'internement de travailleurs ukrainiens à Ecaillon durant la Seconde Guerre mondiale.Archives locales évoquant le camp d'internement de travailleurs ukrainiens à Ecaillon durant la Seconde Guerre mondiale.
Archives locales évoquant le camp d'internement de travailleurs ukrainiens à Ecaillon durant la Seconde Guerre mondiale.Archives locales évoquant le camp d'internement de travailleurs ukrainiens à Ecaillon durant la Seconde Guerre mondiale.

Archives locales évoquant le camp d'internement de travailleurs ukrainiens à Ecaillon durant la Seconde Guerre mondiale.

Mais revenons à la Seconde Guerre mondiale. « Après l’invasion de l’URSS par les nazis, l’Ukraine se trouve assez vite occupée. Elle va alors voir se développer un certain nombre de courants assez contradictoires opposant les Ukrainiens : ceux qui vont participer à la résistance, au maquis, au mouvement des partisans du pouvoir soviétique à ceux qui vont prendre le parti de l’Allemagne nazie, motivés par des sentiments anticommuniste, nationaliste ukrainien et, parfois, antisémite. Les forces d’occupation nazies vont donc trouver un certain nombre de soutiens en Ukraine », confie Etienne Peyrat, maître de conférence en histoire contemporaine à Sciences-Po Lille et premier vice-président de l’université de Lille.

Les Ukrainiens s’opposant au régime hitlérien seront alors déportés dans différentes régions européennes économiquement riches : le sud de l’Allemagne (c’est le cas de ma grand-mère Néonila Timofeï Mirgorodska), le Nord de la France collaborationniste, etc. A Ecaillon, des centaines d’Ukrainiens s’entasseront dès le printemps 1942 dans un camp en développement pour travailler dans les différentes fosses environnantes afin de subvenir aux besoins des compagnies minières.

De nombreuses archives témoignent du degré d’avancement des baraquements et du mode de fonctionnement de ce camp dans lequel on recense, le 3 août 1942, 457 Ukrainiens. Au travers de rapports écrits au quotidien, sont aussi consignés le matériel d’habillement et d’équipement, les approvisionnements, les visites et contre-visites médicales assurées par les docteurs Télétchev et Dupas, les épouillages et désinfections de vêtements, les évasions, les décès, etc. La déshumanisation de ces Untermenschen (« sous-hommes ») se lit au travers de l’identification numérotée des individus : le « n°197 », par exemple, reconnu en bonne santé en 1942, « ne voulant pas travailler pour les capitalistes » sera condamné à trois jours de prison.

Archives locales évoquant le camp d'internement de travailleurs ukrainiens à Ecaillon durant la Seconde Guerre mondiale.Archives locales évoquant le camp d'internement de travailleurs ukrainiens à Ecaillon durant la Seconde Guerre mondiale.
Archives locales évoquant le camp d'internement de travailleurs ukrainiens à Ecaillon durant la Seconde Guerre mondiale.Archives locales évoquant le camp d'internement de travailleurs ukrainiens à Ecaillon durant la Seconde Guerre mondiale.Archives locales évoquant le camp d'internement de travailleurs ukrainiens à Ecaillon durant la Seconde Guerre mondiale.
Archives locales évoquant le camp d'internement de travailleurs ukrainiens à Ecaillon durant la Seconde Guerre mondiale.Archives locales évoquant le camp d'internement de travailleurs ukrainiens à Ecaillon durant la Seconde Guerre mondiale.

Archives locales évoquant le camp d'internement de travailleurs ukrainiens à Ecaillon durant la Seconde Guerre mondiale.

Si les documents à portée de main parlent, les membres des sociétés d’histoire locale se taisent sur ce sujet. Il se peut aussi que ces historiens du dimanche ignorent complètement l’Histoire. Dans tous les cas, il appartient désormais aux plus jeunes curieux d’écrire ce douloureux passé, au nom des oubliés ayant subi les atrocités de cette guerre.

Texte : MG - 8 avril 2023. A Jean Jedrzejewski dit Jeannot.

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