A propos des immigrés polonais...
Combien de fois ai-je dû supporter l’impertinente idée que les Polonais, contrairement aux autres « immigrés envahissant la France », se sont assimilés facilement et rapidement ? Face à une telle ineptie teintée de xénophobie, il m’importe de remettre les pendules à l’heure ! Car, n’en déplaise à certains, les immigrés polonais ont tout fait durant des décennies pour maintenir vivace leur spécificité culturelle, religieuse et nationale.
L’immigration massive de Polonais découle d’une convention conclue en 1919 par le gouvernement français avec celui de Varsovie. Au lendemain de la Grande Guerre, la France a recours pour se reconstruire aux services de travailleurs étrangers auxquels elle confie les tâches les plus ingrates et les plus mal payées. Munis d’un contrat de travail d’un an, un demi-million de Polonais sont alors employés dans les champs mais aussi dans les mines et les usines où ils éprouvent un dépaysement qui les pousse à s’enfuir sans papier, ni argent.
Les Westphaliens – Polonais de la Ruhr – refusant de garder un passeport allemand et sachant qu’ils ne trouveront pas d’emplois qualifiés dans la Pologne nouvellement reconstituée acceptent de confier leur savoir-faire aux Houillères de France.
Mais Polonais et Westphaliens refusent d’être naturalisés français. Ils souhaitent rester entre eux et préserver leur identité nationale. Tous aspirent à gagner au plus vite la Pologne recréée. Peu, d’ailleurs, font l’effort d’apprendre la langue française. A la maison, toute la famille se doit d’employer la langue polonaise. Le français, c’est pour la rue et l’école !
Très vite, ces 500000 Polonais de France vont chercher à s’organiser et à gagner en autonomie en ouvrant des petits commerces. En 1924, ils transfèrent les deux grands quotidiens en langue polonaise Wiarus Polski à Lille et Narodowiec à Herne. Des sociétés sportives (les Sokol, par exemple), musicales ou théâtrales se développent et animent les grands moments de l’année. Les enfants se rendent aux cours de polonais dispensés le soir après la classe ou le jeudi. Les Polonais, très croyants, n’acceptent pas de se faire confesser par un prêtre français ou de suivre une messe en français. Ils font donc appel à des aumôniers polonais qui demeurent sur place. Enclins à l’endogamie, les Polonais de France vivent donc entre eux.
Dans les cités minières, les Polonais sont souvent dénigrés ou insultés de « Polaks » ou de « Boches ». Ils sont accusés de « manger le pain des Français », de faire chuter les salaires en temps de crise, puis, lors de l’invasion de la Pologne par les Allemands, d’être responsables de l’entrée en guerre de la France.
On est donc loin des discours officiels qui véhiculent l’image de la Pologne amie. De plus, la crise économique de l’entre-deux-guerres conduira, non seulement à des licenciements, mais surtout à des rapatriements massifs, forcés et expéditifs.
En définitive, le semblant de sympathie qu’éprouvent les Français dits de souche à l’égard de la communauté polonaise ne s’appuient que sur des apparences (« les Polonais sont blancs, catholiques et travailleurs ») et une entière méconnaissance de l’histoire de ceux qui, une fois installés en France, ont longtemps refusé, de reconnaître les Gaulois comme leurs ancêtres.
Texte : MG – 7 juin 2023.
Support de conférence sur le livre bilingue de Hania Raczak, "Pour du pain, Za chlebem", Editions Nord Avril, 2023.