Louis Testelin, Saint Pierre ressuscite la veuve Tabitha
La fiche de lecture méthodique d'une oeuvre picturale du XVIIe siècle présentée ci-dessous a été conçue de manière à offrir aux enseignants du second degré des repères pour une mise en oeuvre sereine de l'histoire des arts.
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Louis Testelin (1615-1665), Saint Pierre ressuscite la veuve Tabitha, 1652,
huile sur toile, 385 x 300 cm, musée des Beaux-Arts, Arras.
Capacités et attitudes : repérer les outils mis à disposition des peintres pour transcrire les expressions (dévotion, reconnaissance, gratitude, piété, admiration, étonnement, conviction, surprise, interrogation...) ; dépeindre des sentiments à travers l'observation des visages, de la gestuelle, des regards, des mains... ; lire un tableau (déroulement narratif, chronologique...) ; avoir un regard contextualisé sur l'oeuvre.
Problématique : En quoi le tableau de Testelin témoigne-t-il de la Contre-Réforme ?
1. L'analyse descritive (ce que je vois) :
- Simple évocation du sujet, du cadre, du lieu, des personnages, des objets, des attitudes, du contexte... : à Jaffa (actuel Tel Aviv ; signifie en hébreu "beauté", "belle"), architecture antique, un ange volant vu en raccourci, Saint Pierre (premier pape de l'Eglise) à la barbe grisonnante, la veuve Tabitha qui faisait des bonnes oeuvres (tuniques, manteaux...) enveloppée d'un linceul blanc, nombre de personnages dans des attitudes différentes, atmosphère d'éveil, de renaissance, de joie...
2. L'analyse plastique (ce que je comprends) :
- La composition : deux registres horizontaux dans un format rectangulaire ; Pierre (intercesseur) au centre de la composition implique l'observateur par son interpellation, l'invite à pénétrer le tableau ; drap noir fermant le registre inférieur (tension dramatique).
- Les formes : regards et positions des personnages convergeant vers Pierre ; mouvement circulaire autour de l'apôtre : le spectateur se trouve convié à la ronde ; soin apporté à l'expression des visages (effort d'individualisation), aux attitudes et aux sentiments (transcription psychologique à mettre en relation avec la célèbre conférence "Les passions de l'âme" donnée par Charles Le Brun à l'Académie royale de Peinture) ; dessin rigoureux et soigné ; facture lisse, concordance des parties au tout (harmonie générale) ; opposition entre la volumétrie des corps rappelant Nicolas Poussin (oeuvre classique ?) et les angles de l'architecture.
- Les couleurs : primaires (rouge, bleu, jaune), ocre, blanc et noir (contraste) ; coloris vifs soulignant la rigueur de la composition ; lumière au centre de l'oeuvre.
- L'espace : rendu des tissus (attention portée sur les plis) et des volumes par l'éclairage ; perspective mathématique et trouée vers le ciel (aération de la toile) suggérant la profondeur ; éléments architectonique d'ordre dorique (style épuré et simple).
3. La synthèse récapitulative et critique (ce que j'en pense)
- Expliquer la conjugaison des éléments constituant le tableau et étudier les convergences : l'histoire se déroule sous nos yeux (la storia) de la déploration (personnage en bas à droite) à l'étonnement et la réjouissance (personnages à gauche).
- Expliquer que les éléments plastiques expriment la pensée de l'artiste, de l'époque, le contexte. On évoque ici le refus des protestants de célébrer les saints et leur rejet de la hiérarchie hagiographique, de l'importance du personnage de saint Pierre et des images dans le culte catholique. Ces toiles sont à replacer dans le contexte de la Contre-Réforme. Leurs sujets sont un manifeste de la foi catholique qui encourage l'appel à l'intercession des saints en raction à la religion protestante pour laquelle ne vaut que le seul dialogue avec Dieu. Le style de ces peintures répond précisément aux consignes du concile de Trente (1545-1563) au Nord de l'Italie, concile oecuménique qui se veut la réponse catholique pour se protéger de la réforme protestante perçue comme une agression : l'image simple, lisible et réaliste doit inviter à la concentration et à la méditation.
- Interpréter la symbolique du sujet : la veuve est le symbole du pauvre sans défense. En ressuscitant, elle pourra persévérer dans la confiance en Dieu. Elle vit la tension entre deux mondes : le monde terrestre et le monde d'en-haut.
MG - 10 juin 2011.