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On a marché sur l'art

Publié le par MG

Michel Bouillon, Grand buffet, 1651 ou 1657, huile sur toile, 137 x 267 cm, Muba Eugène Léroy, Tourcoing.

Michel Bouillon, Grand buffet, 1651 ou 1657, huile sur toile, 137 x 267 cm, Muba Eugène Léroy, Tourcoing.

Une oeuvre ne vit que par celui qui la regarde, disait Picasso. Encore faut-il l'apercevoir ! Je me souviens du temps où j'orientais le regard des publics hypnotisé par les tableaux à ne surtout pas manquer. Les visiteurs que je guidais au Muba de Tourcoing, semblaient tout savoir de l'art ancien et tant ignorer de l'art contemporain. Je me rappelle de l'arrêt que nous marquions devant le Grand buffet de Michel Bouillon. Il faut dire que le format et la facture léchée de ce drapé baroque en jettent plein la vue !

 

Mes auditeurs écoutaient le silence qui s'étalait autour du bouquet de fleurs et du déversement anarchique de fruits et de coquillages. Après cette délectation, ils répétaient à l'unisson : « Ca paraît tellement vrai qu'on a l'impression d'être dans le tableau ! » Leur aveuglement allait éclairer mon propos sur le sens caché des images. Tous étaient d'accord pour reconnaître que l'éclat des couleurs, les jeux de lumière et le rôle des draperies relevait d'un peintre passé maître dans la scénographie. Aussi, se targuaient-ils de lire une vérité, celle d'une démarche plastique qui interroge le sens que l'on accorde aux choses de la vie. Vanité, quand tu nous tient...

 

Je demeure stupéfait chaque fois que le public déjoue les codes de cette grande toile. « Tout est dit dans ce tableau ! », insiste-t-on. « C'est si beau, si réel qu'on a envie de toucher ! » reprocherait-on à l'artiste. Je pensais alors à tous ces gens, chez eux, déjà consommateurs en ouvrant simplement un prospectus. « Une publicité du Grand siècle qui, paradoxalement nous avertit des illusions ! », lançais-je. « Cette lecture s'applique aussi à ce Philippe Cazal ! » On scruta vainement les cimaises dégageant du sol une plaque de laiton gravé. « Ne pensez-vous pas que cette oeuvre contemporaine a trouvé sa place et que Cazal, comme Bouillon, est un artiste dans son milieu ? »

 

MG – 22 septembre 2012. In Magazine des Arts n°4, trimestriel novembre/décembre 2012/janvier 2013, Lafont presse, pp. 84-85.

Philippe Cazal, Générique, 1988, laiton gravé, texte "L'ARTISTE DANS SON MILIEU", 48 x 48 cm, MUba Eugène Leroy, Tourcoing.

Philippe Cazal, Générique, 1988, laiton gravé, texte "L'ARTISTE DANS SON MILIEU", 48 x 48 cm, MUba Eugène Leroy, Tourcoing.

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