Georges Dricot (1912-1986) : une grande figure anichoise de nationalité belge
Il y a des noms à Aniche (59580) qui restent en mémoire. Héros ou martyrs, leur patronyme gravé sur une plaque désigne une rue ou une place. Mais il y en a tant d'autres qu'on délaisse et qui finiront par sombrer dans l'oubli. Georges Dricot fait partie de ces figures anichoises méconnues, estompées, ombragées. Pourtant, l'histoire de cet Anichois à l'accent belge arborant une quantité de médailles mérite que l'on revienne sur son indéniable engagement.
C'est dans le village de Lonzée situé dans la province wallonne de Namur que naît Georges Dricot le 16 avril 1912. A la veille du premier conflit mondial, cette charmante bourgade néanmoins réputée pour ses sorcières depuis 1637, dispose toujours d'une industrie spécialisée dans l'extraction de l'argile verte nécessaire à la fabrication de teintures et de stucs. Unique en son domaine, cette fabrique procure travail et prospérité. Rien ne semble perturber l'existence des Lonzinois avant la nuit du 22 et 23 août 1914, date à laquelle 5000 soldats allemands souhaitant s'emparer de la forteresse de Namur, arrivent et pillent le village. Lonzée sera aussi taxée d'une contribution de guerre payable en argent ou en récoltes de vivres.
Le petit Georges découvre la vie au travers des brimades, des menaces et des sabotages qui marquent cette période d'occupation ennemie. Le 2 octobre 1915 à 23h, une forte déflagration provenant de la ligne de chemin de fer secoue tout le village. En guise de représailles, l'Oberst Kreischef V. Kendell ordonne un couvre-feu renforcé et l'obligation pour tous les hommes de 17 à 60 ans de monter la garde sur la route proche de la voie ferrée par escouades se relayant toutes les deux heures. Cette punition ne sera levée que le 4 janvier 1916. En plus de la déportation pour aller travailler en Allemagne, les habitants de Lonzée vivront sous la terreur jusqu'à la libération à l'automne 1918.
Landsturmmanner du bataillon de Münster probablement affectés à la garde de la gare de Lonzée en 1914. Source : http://lagrandeguerre.cultureforum.net
Si on ne sait rien de l'adolescence de Georges, une médaille créée par arrêté royal le 17 février 1962 pour commémorer le règne du roi Albert 1er lui est décernée en tant que membre des Forces armées belges ayant servi honorablement jusqu'en 1934. Cette récompense atteste ainsi de son dévouement lors du service militaire rendu obligatoire depuis le 14 décembre 1909 et effectué probablement durant huit mois vers 1932. Huit ans plus tard, l'invasion allemande le contraint comme 600 000 autres compatriotes, à reprendre les armes. Plus tard, Georges obtiendra la médaille du volontaire 1940-1945 pour son enrôlement en tant que citoyen au sein des forces armées belges.
Durant dix-huit jours, Georges Dricot combat les troupes allemandes qui déferlent sur le territoire. Mais l'obsolescence et le sous-équipement matériel de l'armée belge ne permettent guère de stopper l'avancée ennemie. Confinés dans la petite poche cernée par la Lys, les soldats du roi Léopold III subissent de nombreuses pertes. Le 28 mai 1940, la Belgique capitule. Certains militaires rallient l'Angleterre via Dunkerque, d'autres sont envoyés en captivité en Allemagne. Georges se réfugie dans le Nord-Est de la France. Délivré par la préfecture de la Marne le 27 octobre 1942, son permis de conduire atteste de sa domiciliation à Aniche, au 53 rue Thiers (actuelle rue Barbusse).
Selon les dires d'un de ses descendants, Georges Dricot serait d'abord arrivé à Charlon-sur-Marne. Il aurait alors travaillé pour un viticulteur avant de passer ses permis de conduire B (voiture) et C (véhicule à marchandises de plus de 3,5 tonnes). C'est probablement durant ces années noires qu'il fait la connaissance de celle qu'il épousera par la suite : Simone Platel (3 février 1920 – 3 mai 2008). Là encore, le témoignage d'un de ses petits-enfants nous apprend que cette rencontre s'est faite dans l'autobus à gazogène de la Compagnie des Transports en Commun de la Région de Douai (T.C.R.D.) qu'il conduit alors. De cette union naîtront Guy Platel (10 octobre 1947 – 30 octobre 2017) et Catherine dite Cathy Platel (12 août 1953 – 27 novembre 1998).
Simone Platel, née à Emerchicourt, a d'abord connu Octave Pol qu'elle épouse. Messager en side-car à Zuydcoote durant la Seconde Guerre mondiale, le soldat Pol meurt sous un bombardement. Veuve à 21 ans, Simone est aussi mère d'un bébé, Daniel. C'est Georges Dricot qu'il l'élèvera. Durant l'Occupation, sa responsabilité l'amène à échanger des bons pour nourriture. Georges se rend alors à vélo en Belgique : il risque à tout moment sa vie pour nourrir cette jeune famille recomposée. Les temps sont difficiles, encore plus pour cet enfant qui ne connaîtra jamais son géniteur.
Domicilié au 53 puis 63 rue Thiers à Aniche, le couple traverse les difficultés en occupant différents métiers. Simone travaille dans la future agence bancaire Scalbert-Dupont aux côtés de Patrick Poulain, Anichois connu de ses concitoyens pour son militantisme politique. Georges, qui le matin se rend à pied jusqu'à Guesnain pour prendre son service de chauffeur de bus, répare la nuit des moteurs défectueux de véhicules que ses connaissances amènent. Puis, les circonstances le conduisent à exercer à la verrerie de Boussois. Parallèlement, il développe un commerce de fleurs à Gembloux, ville belge francophone située non loin de son village d'origine. Ne pouvant s'y rendre qu'une fois par mois, c'est sa cousine, Josée Bécart, qui gère la boutique en son absence.
Irma Cottrez et Simone Platel-Dricot dans la rue Barbusse à Aniche - Photo datant des années 1950-1960.
De gauche à droite : Cathy Platel, Anne-Marie et Irène Banaszak enfants autour de Simone Platel-Dricot, Irma Cottrez, Guy Platel enfant et Jean Banaszak enfant - Photo datant du milieu des années 1950.
La famille Dricot-Platel à Aniche dans les années 1960.
A Boussois, verrerie anichoise dite d'En-Bas, Georges Dricot conduit la locomotive de l'entreprise. A l'époque, la SNCF amène les wagons de matières premières et le fuel pour les fours. Georges assure alors le transfert entre les voies publiques et les voies privées des Glaces Boussois. Passant par le Thermopane (actuelle SECMA, Société d'Etude et de Construction de Mécanique Automobile) situé rue Denfert-Rochereau, notre ouvrier à cour achemine les marchandises entrant dans la composition du verre et dans la soute à fuel (actuel site Carrefour Contact) et celles sortant (le verre) vers la gare d'Aniche. Après 20 ans d'activité au sein de cette verrerie, Georges reçoit en 1971 la médaille du travail de la Convention collective du Verre.
Photos 1 et 2 : vues aériennes de la verrerie d'En-Bas. Photo 3 : Georges Dricot (à droite) devant le train de la verrerie d'En-Bas. Photos 4 et 5 : avers et travers de la médaille du travail décernée en 1971 à Georges Dricot.
Parallèlement à sa vie professionnelle et familiale, Georges Dricot s'investit au sein d'associations d'anciens combattants français et belges. Membre bienfaiteur de l'Union des Anciens Combattants Franco-belges et Vétérans du Roi Albert du Douaisis, il est surtout le président de la Fédération Nationale des Combattants de Belgique (FNCB) dont le siège se trouve à son domicile. Parfois, les réunions se passent chez ses camarades Gésu et Blondel. En certaines occasions, Georges fait venir une délégation belge à Aniche. En août, il se rend dans la province de Flandre-Occidentale, à Nieuport, pour l'hommage national à Sa Majesté le roi Albert Ier et aux héros de l'Yser.
Agrafe de la FNC et médailles commémoratives ayant appartenu à Georges Dricot - Photos : MG, 22 février 2018.
Georges Dricot chez lui - Photos des années 1960 aux années 1980.
L'Anichois Georges Dricot restera à jamais cet ancien combattant de nationalité belge récompensé pour sa bravoure et sa volonté de préserver le devoir de mémoire. Lors des commémorations, l'harmonie municipale jouait toujours en sa présence la Brabançonne. La longue liste des décorations obtenues de son vivant est la garantie officielle des services rendus, de l'infaillibilité du soldat qu'il fut et de sa constante préoccupation auprès des jeunes générations de ne plus reproduire l'absurdité et l'atrocité des guerres d'hier. Georges Dricot n'est pas qu'un soldat qu'on peine à sortir de l'ombre : il est un exemple pour nous et pour nos enfants.
Texte : MG - 30 novembre 2018.
Documents, sauf mention contraire : David Paris, petit-fils de Georges Dricot.
Carte de séjour de Georges Dricot, faire-part de décès et caveau familial.
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Croix du combattant de l’Europe : décoration décernée par la confédération européenne des anciens combattants, sur proposition du Président qui récompense les services rendus par des anciens combattants de l’Europe et de leurs alliés qui, n’ayant pas failli à l’honneur de soldat et soucieux d’éviter aux générations futures les souffrances et les horreurs de la guerre, s’engagent à lutter ensemble pour la construction d’une Europe unie et la défense de la civilisation et de la liberté. Les candidats doivent être titulaires de la carte d’ancien combattant (en France) ou, à défaut, d’un titre de guerre ou d’un titre de reconnaissance de leur nation. La croix du combattant de l'Europe est une médaille associative dont le port est interdit lors des manifestations patriotique ou les tenues. Elle ne peut être portée que lors de manifestations de l'association mais en aucun cas avec les décorations réglementaires.
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Exemplo Vincere (exemple de victoire).
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Médaille d'honneur FNC (Fédération Nationale des Combattants) avec rosette.
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Croix de Guerre avec palme 1939-1945.
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Médaille commémorative française de la Guerre 1939-1945 : décoration militaire française instaurée le 21 mai 1946. Comme la médaille de la Grande Guerre, cette décoration voulait conserver la marque de la participation active durant la Seconde Guerre mondiale. Elle est attribuée à tous les combattants français et étrangers appartenant à une nation en guerre contre les pays de l'Axe. Insigne : la médaille a une forme hexagonale où sur l'avers, on trouve un coq au ailes déployées, debout devant une croix de Lorraine (symbole du gaullisme) et dressé sur une chaîne brisée. Au revers sont gravés les mots « République française » et « Guerre 1939-1945 ». Ruban : bleu clair bordé aux extrémités par une bande verte bordée par de bandes de rouge. Sur la ligne verticale médiane du ruban se trouve une suite de V rouge pour symboliser la victoire. Il comporte diverses barrettes.
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Deux Croix de Reconnaissance (argent et bronze). La FNVRA est créée en juin 1948 pour honorer la mémoire du roi Albert (le Roi-Chevalier) et les soldats qui ont combattu en Belgique durant son règne, aussi bien belges que français lors de la Première Guerre mondiale. Les anciens combattants ayant disparu, cette association va néanmoins perdurer, devenant, en mai 1973, la Fédération Royale des Vétérans du Roi Albert Ier (FRVRA) avec comme but d'honorer la mémoire du Roi Albert Ier, de défendre l'unité nationale et les sentiments patriotiques belges, mais aussi de participer à des oeuvres philanthropiques. Depuis 2005, elle porte le nom de Fédération Royale des Vétérans et Sympathisants du Roi Albert 1er et ne compte plus, bien évidemment, d'anciens combattants de la Première Guerre mondiale...
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Médaille du volontaire 1940-1945 : décoration militaire belge créée par arrêté royal le 16 février 1945 et décernée aux citoyens belges et aux ressortissants étrangers qui s'enrôlèrent volontairement au sein des forces armées belges durant la Seconde Guerre mondiale. Son avers arbore l'image en relief d'un soldat debout mais au repos tenant une carabine avec baïonnette au canon. Son image est superposée sur une lettre « V » devant le Soleil levant. Le revers porte en son centre un lion rampant entouré de l'inscription circulaire en latin « VOLONTARIIS" en haut et les millésimes « 1940 » et « 1945 » sous le lion. La médaille est suspendue par un anneau passant latéralement dans un barillet de suspension au haut de la médaille à un ruban de soie moirée d'une largeur de 38 mm et composé de quinze bandes longitudinales larges de 2 mm alternant du rouge au bleu et de deux bandes bleues de 4 mm aux bordures.
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Croix de Guerre du Brabant.
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Médaille commémorative de la Guerre 1940-1945 : décoration militaire belge par arrêté du Régent le 16 février 1945 en reconnaissance aux hommes et femmes belges qui servirent durant la Seconde Guerre mondiale du côté des Alliés. Elle est faite de bronze. La face avers montre le signe V de la victoire et un lion rugissant; sur les côtés gauche et droit sont gravés les années 1940 et 1945. Sur le revers est gravé en néerlandais et français : « Herinneringsmedaille van den Oorlog 1940-1945 - Médaille Commémorative de la Guerre 1940-1945 ». Le ruban est jaune avec 3 fines bandes noire, blanche, noire sur les bords. Agrafes : les sabres croisés indiquent un service au combat durant la campagne de 1940 ou dans la résistance armée. Décerné pour service dans l'armée belge entre le 10 mai 1940 et le 7 mai 1945.
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25e anniversaire de la Fédération Nationale des Vétérans du Roi Albert 1er qui devient "Royale" (1948-1973).
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Médaille commémorative du règne du roi Albert 1er : créée par arrêté royal le 17 février 1962 pour commémorer le règne du roi Albert 1er, la médaille est décernée aux membres des Forces armées belges et aux anciens combattants du service qui avaient servi honorablement entre le 18 décembre 1909 et le 18 février 1934. Médaille circulaire de 32mm de diamètre frappée de bronze, son avers porte le profil du roi Albert 1er coiffé d'un casque militaire orné d'une couronne de laurier et portant un manteau militaire avec le col relevé. L'inscription circulaire en latin "ALBERTVS" (Albert) se situe au-dessus du profil du roi, au bas, l'inscription "REX" (roi). Sur le revers, le monogramme du roi Albert sous une couronne royale entre deux branches verticales, une de chêne, l'autre de laurier, au bas, les millésimes «1909» et «1934». La médaille est suspendue par un anneau passant au travers d'un barillet fixé au haut de la médaille à un ruban de soie moiré jaune d'une largeur de 38mm avec une bande centrale verte large de 2mm.
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Médaille du combattant militaire de la Guerre 1940-1945 : décoration militaire belge créée par arrêté royal le 19 décembre 1967 pour reconnaître le service militaire à l'étranger durant l'occupation de la Belgique de 1940 à 1945. Elle fut surtout décernée aux soldats qui servirent durant la Seconde Guerre mondiale dans les troupes belges stationnées en Grande-Bretagne. La Médaille du combattant militaire de la guerre 1940-1945 ne pouvait pas être décernée à titre posthume. Cette médaille présente une croix grecque frappée de bronze d'une largeur de 38 mm avec les espaces entre ses quatre bras partiellement remplies jusqu'à 3 mm du bout des bras, par des formes semi circulaires donnant l'impression d'une superposition sur un disque. L'avers arbore l'image en relief d'un lion rampant au centre de la croix. Le revers porte à son centre l'image en relief d'un glaive pointant verticalement vers le haut et scindant les millésimes "1940" et "1945". La médaille est suspendue par un anneau passant latéralement au travers d'un barillet au sommet de la croix, à un ruban de soie moirée large de 36 mm. Le ruban est coloré comme suit : 6 mm vert, 2 mm rouge, 3 mm jaune, 2 mm noir, 1 cm jaune, 2 mm noir, 3 mm jaune, 2 mm rouge, 6 mm vert.