Marc Mangin, le Vietnamien

« Mais c'est le propre des longs voyages que d'en ramener tout autre chose que ce que l'on allait y chercher. »

Nicolas Bouvier, Chronique japonaise, 1975.

C'est à Saïgon, poumon économique du Vietnam, que l'auteur-éditeur-photographe anichois (59580) Marc Mangin s'est réfugié durant trois mois pour travailler sur son quinzième ouvrage intitulé Chroniques indochinoises – En remontant le Mékong en période de mousson. De retour à Aniche pour quelques jours seulement, il nous livre ce soir, tel un anthropologue, le fruit de ses observations sur la société asiatique comparativement à celle occidentale.

Installé dans un hôtel au cœur de Hô-Chi-Minh-Ville, Marc « nettoie », « augmente », peaufine les chroniques qu'il avait rédigées lors de son dernier parcours le long du Mékong¹. Dans la république socialiste du Vietnam, État communiste à parti unique, l'auteur se plaît à déambuler le matin dans le dédale des étals de marchands pour y trouver, avant de se replonger dans l'écriture, les clés d'une économie prometteuse. Main-d'oeuvre de qualité et peu coûteuse, le pays est doté d'importantes ressources agricoles et naturelles, et sa stratégie de développement est fondée sur l’ouverture et la diversification de son économie. Le taux de chômage particulièrement bas (2,3 % en 2017) nous surprend.

Depuis les années 2000, le commerce international et les investissements étrangers participent indéniablement à cette forte croissance économique (7,1 % sur les six premiers mois de 2018 ). Troisième pays le plus peuplé de l’ASEAN avec 94 millions d’habitants en 2017, le Vietnam s'impose comme sixième économie de la région avec un PIB avoisinant les 225 milliards de dollars en 2017. « Là-bas, il n'y a pas de perturbation au projet quotidien. Tout se discute. Tout est si simple. Si un véritable investisseur étranger suit les règles qui s'y appliquent, d'autres règleront la situation avec des billets. Au Vietnam, tu ne ressens pas de violence sociale. Cela t'encourage donc à aller de l'avant », précise Marc Mangin.

Cette impression de simplicité pourrait se comprendre au travers des agitations qui perturbent le climat socio-économique français. Depuis le 17 novembre 2018, Marc suit via l'Internet le mouvement des Gilets jaunes. « En revenant en France, je n'allais tout de même pas saluer un flic ! Si dans le pays dit de liberté, d'égalité, de fraternité tu ne te plies pas, on te gaze ! Le système libéral qui nous dirige depuis les années 1970 a permis, certes, une croissance mais le fil de cette croissance économique nous conduit droit dans le mur. Ce système s'est organisé dans la perspective du chaos annoncé par la mondialisation. Ceux qui ont du pognon placent en un clic leur fric aux quatre coins du monde. Si au Vietnam, tout est système D, l'argent qui afflue désormais conduira malheureusement le pays là où nous sommes aujourd'hui ! »

La monnaie vietnamienne - le Dong -, paraît stable depuis quelque temps en raison probablement de la stabilité du pouvoir d'achat. Quoi qu'il en soit, pour Marc, « le cash reste une vraie monnaie d'échange lorsqu'on est dans des rapports de proximité, c'est-à-dire lorsqu'on achète, par exemple, un ananas au marché. L'argent liquide représente un facteur de développement. Au Vietnam, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a baissé alors qu'en France, il continue d'augmenter. Les Vietnamiens cherchent du mieux qu'ils peuvent à s'épanouir. Et pour s'épanouir, il faut un cadre. Or, le libéralisme nous offre le contraire ! »

Au-delà de ce regard critique porté sur la société vietnamienne, Marc Mangin n'abandonne nullement son projet d'origine : atteindre la source du Mékong dans le Qinghai sur les hauteurs de l’Himalaya à près de 5000 mètres d'altitude. « Je ne veux pas le faire en courant. Et puis, sur le plan administratif, cela prend du temps. Un visa, s'il peut être renouvelé, n'est valable qu'un mois. Je ne peux donc pas monter à 5000 mètres et redescendre en trois semaines. De plus, il faut respecter les temps d'acclimatation lorsque l'on grimpe. Si je parviens à m'arranger avec l'ambassade pour obtenir un visa de deux mois, ce projet pourrait se terminer à la fin de l'année 2019 ou au printemps 2020. » En attendant, on se précipitera pour découvrir ses Chroniques indochinoises qui paraîtront chez Sipayat pour la fête du livre « Lire en Baie » qu'organise la ville du Crotoy (80550) les samedi 8 et dimanche 9 juin 2019.

1. Lire : Marc Mangin ou les tribulations d'un Anichois en Asie.

Texte et photos (sauf mention contraire) : MG – 19 et 20 mars 2019. A Nathalie Pouille.