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Chahdortt Djavann, Bas les voiles !

Publié le par MG

Chahdortt Djavann, "Bas les voiles !", collection Folio, 2017. Première de couverture.

Chahdortt Djavann, "Bas les voiles !", collection Folio, 2017. Première de couverture.

Après avoir été obligée de porter le voile pendant dix ans en Iran, la romancière et anthropologue Chahdortt Djavann publie en 2003 un pamphlet dans lequel elle dénonce l’enfermement et l’avilissement que sont pour les femmes le port du voile. Dans Bas les voiles !, elle revient sur les "affaires du foulard" qui cachent, en France, de profonds problèmes identitaires, culturels, politiques et sociaux. Symbole archaïque, il est une atteinte aux droits de l’Homme quand il est imposé, surtout dès l’enfance. D'une manière générale, le port du voile interroge la notion de laïcité tant dans la pensée et le langage du monde musulman que dans les politiques extérieures et intérieures des gouvernements occidentaux.

Extraits :

  • « Le voile n’est nullement un simple signe religieux, comme la croix, que filles ou garçons peuvent porter au cou. Le voile, hijab, n’est pas un simple foulard sur la tête ; il doit dissimuler entièrement le corps. Le voile, avant tout, abolit la mixité de l’espace et matérialise la séparation radicale et draconienne de l’espace féminin et de l’espace masculin, ou, plus exactement, il définit et limite l’espace féminin. »
  • « Nous sommes en France, pays de droit, et certaines familles s'arrogent le pouvoir de voiler leurs filles mineures. Qu'est-ce que cela signifie, voiler les filles ? Cela signifie en faire des objets sexuels : des objets, puisque le voile leur est imposé et que sa matérialité fait désormais partie de leur être, de leur apparence, de leur être social ; et des objets sexuels : non seulement parce que la chevelure dérobée est à double sens (ce que l'on cache, on le montre, l'interdit est l'envers du désir), mais parce que le port du voile met l'enfant ou la jeune adolescente sur le marché du sexe et du mariage, la définit essentiellement par et pour le regard des hommes, par et pour le sexe et le mariage. »
  • Il est cet « objet du désir masculin. […] Pourquoi les hommes musulmans veulent-ils encore voiler les femmes ? Pourquoi le voile des femmes les concerne-t-il ? Pour quelle raison sont-ils à ce point attachés au voile féminin ? S’ils adorent tant le voile, ils n’ont qu’à le porter eux-mêmes. »
  • « Le port du voile en France n’est pas le moyen de se fondre dans la foule anonyme, plutôt le moyen d’attirer le regard, de se faire remarquer, une forme d’exhibitionnisme, de provocation ; femme objet et fière de l’être ; femme objet sexuel, plus exactement.  Une femme voilée est un objet sur lequel un écriteau invisible se laisse lire : Interdit de voir. Juste fantasmer. »
  • « Le débat sur le voile, du fait des débordements idéologiques qu’il autorise et des interprétations intéressées dont il sera l’objet dans les pays théocratiques, cautionne leur obscurantisme et leur despotisme. Il faudrait que les intellectuels français qui se déclarent hostiles à une école laïque qui ne tolère pas les mineures voilées prennent conscience du fait que leur engagement sera un appui aux dictatures islamiques. Quant aux minauderies des midinettes du voile en France, elles sont un encouragement à la répression de toutes les femmes qui, dans les pays musulmans, essaient d’échapper à l’emprise totalitaire du hijab au risque de leur vie. »
  • « La France éduque ses enfants ; pourquoi ce droit ne s’appliquerait-il pas à la première génération, aux immigrants adultes, privés d’une réelle éducation démocratique, qui ont souffert des années dans des pays où tous les droits humains sont bafoués ? On ne cesse de dénoncer l’insécurité et la violence engendrées par les jeunes, les adolescents, souvent d’origine, cela va sans dire, maghrébine ou africaine. Mais on nous parle très rarement de la violence sans mesure que la société leur inflige dès leur plus tendre enfance. Quoi de plus révoltant pour un enfant que de voir ses parents, malgré les souffrances qu’ils ont endurées, les efforts qu’ils ont dû accomplir pour pouvoir quitter leur pays de naissance, humiliés ou marginalisés dans une société dont ils espéraient accueil et libération ? Mieux accueillir, mieux éduquer, mieux intégrer les immigrants me paraît une urgence prioritaire. […] L’apprentissage de la langue devrait être aussi celui de la démocratie et de la conscience démocratique. Pour une bonne marche de la démocratie, trois principes sont essentiels et devraient être intériorisés par chacun : la laïcité, la tolérance et le respect. »
  • « Le bruit fait autour du voile ne doit pas être un moyen d’éluder les vrais problèmes que sont l’inégalité économique, le logement, la ghettoïsation et l’éducation. […] Ce que je demande, c’est une attention plus grande aux problèmes rencontrés par les immigrés. Faute de cette attention, la violence et l’insécurité vont croître, malgré les dispositifs prévus, l’impunité zéro, le renforcement du service policier et les prisons plus vastes. Un système de répression n’a jamais dissuadé les délinquants ni même servi réellement à réduire la violence. […] Faute de cette attention aux vraies raisons de la violence, on verra se développer, subtilement associés et objectivement complices, l’un nourrissant l’autre et réciproquement, le discours islamiste et celui de l’extrême droite. »

La montée du libéralisme sauvage, de l’extrême droite, des religions et du communautarisme ethnique, menace toujours plus la démocratie en Occident. En France, l'interdiction du voile aux mineures, tissu de l’humiliation et de l’aliénation, « étoile jaune de la condition féminine », ne peut être que l’affaire de tous - femmes et hommes, enfants et parents, Français et immigrés, athées et croyants, citoyens et gouvernants - si l'on veut sauvegarder les valeurs républicaines.

MG - 7 janvier 2021.

Chahdortt Djavann, Bas les voiles !
Chahdortt Djavann, Bas les voiles !

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